Le Groupe Fructidor

Textes et chansons du spectacle

"Paix pour les crépuscules qui s'avancent ..."

--- LA PAIX de Favreau (Sol) --- EST-CE AINSI QUE LES HOMMES VIVENT ? de Louis Aragon --- EXPLIQUONS-NOUS de Pablo NERUDA

--- MORTS LES ENFANTS de Renaud Séchan --- NUAGE LENT D'APRES de Jacques Gaucheron

--- DEUX MINUTES FUGITIVES de Gilbert Lafaille --- LA CHANSON DE CRAONNE --- IMAGINE de John Lennon

--- extraits de "LA VIOLENCE FAITE AUX PAUVRES" (oser la paix) du père Joseph Wresinski --- VULGAIRE de Michel Bühler

--- extrait d'une conférence d'Albert JACQUART --- LA PLUS DRÔLE DES CREATURES de Nazim HIKMET

--- extrait d'une lettre de Julos BEAUCARNE --- QUAND LES HOMMES VIVRONT D'AMOUR de Raymond LEVESQUE

--- CHANSON DU VITRIER de Jacques Prévert --- LES MOTS VIEILLIS de Jean Debruyne

---PAIX POUR LES CREPUSCULES QUI S'AVANCENT de Pablo NERUDA

Autres textes qui ont failli faire partie du spectacle :

--- ÇA NE VOUS FAIT RIEN A VOUS? De Hugh Mac Diarmid

--- CE CŒUR QUI HAÏSSAIT LA GUERRE de Robert Desnos --- DU NAVIGATEUR ET DU POETE (extrait) de Louis ARAGON

---S.D.F. de Allain Leprest --- JE FAIS UN RÊVE Le discours le plus célèbre de Martin Luther-King

--- LA PAIX réflexion analyse

 

 

LA PAIX de Favreau (Sol)


Il paraît qu'un jour la paix nous est arrivée,
ici, sur terre.
C'a pas dû faire beaucoup de bruit...
On l'a pas vu venir...peut être on était distraits...
C'est quand même drôle, ça t'arrive pas comme ça...
La paix ça te tombe pas du ciel, même si t'as
la meilleur bonne volonté du monde !
D'ailleurs, la volonté...la volonté, c'est pas tout.
T'en connais beaucoup des volontaires
qui ont connu la paix ?

Avant, c'était commode, on pensait pas à la paix,
on avait la confiance tranquille...
Mais maintenant qu'on sait qu'elle est là,
quelque part autour, c'est plus pareil...
Bien sçur on s'est habitouillés à elle.
Elle fait tant tellement pas de bruit...
on arrive même à l'oublier.
Et puis, on peut pas dire qu'elle nous a dérangés.
Elle se mêle de ses affaires.
Elle nous a pas empêchés d'avancer.
Depuis le début du commencement, c'est fou
comme on a jamais arrêté de proagresser !
On a réussi la plus esstraordinaire servilisation !

Heureusement pour nous. Pssqu'on aime réussir.
On aime tous les jeux, mais surtout les réussites.
Tiens, un qu'on a drôlement bien réussi,
c'est le jeu du fichier.
On a constructionné un très énorme fichier,
et depuis on s'amuse à le remplir...
Faut voir comme on se fiche la-dedans !
On se fiche de tout !
On se fiche des uns... et ensuite des autres...
les statues quo sur leurs grands pieds détestables,
on se les fiche par terre !
les idiots carbures...on se les fiche à l'eau !
on se fiche des acerbes, qui se fichent des cloaques !
on s'en fiche qu'ils se fichent en l'air !
Ah, oui, on s'amuse...qu'est-ce-qu'on s'en fiche !
Bien sûr, rien n'est parfait.
Y a une chose qu'on a pas encore réussi
à mettre dans le fichier...c'est la paix.
Et pourtant, tous les jours on entend partout :
" La paix ! La paix ! Qu'on nous fiche la paix
une fois pour toutes ! "
Mais on a jamais réussi à ficher la paix.
Peut-être on ose pas...
Faut dire que ficher la paix, c'est pas si simple.
Tu rencontres quelqu'un, tu lui fiches la paix,
et ça y est : le lendemain, toute la famille l'attrape !
Si tout le monde fichait la paix à tout le monde...
on serait fichus, c'est sûr.

Ouille non, c'est bête...je dis n'importe quoi...
La paix, c'est pas vraiment une maladie,
ça s'attrape pas...
D'ailleurs, pour l'attraper, faudrait déjà la trouver...
et on l'a jamais trouvée.
Elle a sûrement des gardiens, la paix...
Ah...si on l'a jamais trouvée...
C'est peut-être qu'elle est toute petite...
elle doit pas tenir beaucoup de place !
Mais alors la paix...
ça serait le contraire de l'armée...

L'armée, elle, peut arriver à tenir une grande place
pendant des jours et des jours...
mais la paix, non...si elle est toute petite
elle pourrait même pas faire de mal à une
escarmouche !

Non, la paix, on pourrait pas l'attraper.
Et même si on arrivait à l'attraper
on saurait pas quoi faire avec...
En tout cas, on pourrait pas jouer avec elle,
on a pas les même goûts.
Il paraît qu'elle peut pas supporter le bruit.
Elle aime que les cloches.
Et nous, les cloches, qu'est-ce qu'on s'en fiche...
c'est les battants qu'on aime !
On aime quand ça trompette de partout !
On aime quand ça pétille !
Quand on crie :feu ! on veut que ça crépite !

Si on se met en quatre pour mieux s'éclater
c'est qu'on est drôlement dynamites !
Mais elle ? Avec nous, elle jouerait les éteignoirs.
Elle voudrait qu'on se contente de tourner en rond,
comme des ânes en plaines ?
Faudrait qu'on change le jeu pour lui faire plaisir ?
Faudrait qu'on se mette à fondre les canons
pour en faire des cloches ?
Ca serait pas résonnable.
Moi, des fois, je pense qu'on a peur d'elle.
On a peur de la paix, passqu'on la connaît pas !
Passqu'on l'a jamais vue...
C'est ça le pire, personne l'a jamais vue !
T'ouvres le journal, on parle que d'elle...
et pourtant y a jamais eu une seule photo de la paix.

T'écoutes la rétrovision, c'est pareil...
on en parle, on en parle mais on la voit jamais !
Tu te rends compte ?
Même la rétrovision,
LE PLUSS GRAND DES DOMINATEURS
COMMUNS...
même la rétrovision a jamais réussi
à nous faire voir la paix !

Des fois... on pense qu'on l'entr'aperçoit...
qui se repose...ètendue...sur la trève...
mais ça dure pas, ça disparaît vite, vrroum !
et on se dit : " ah bon...c'était encore un mirage ! "
Non, on l'a jamais vue.
Et puis, on l'a jamais entendue, non plus.
On sait même pas si elle parle...
D'ailleurs, c'est bien connu :
la paix ça ne dit rien à personne !
Ah oui elle se cache drôlement bien, la paix...
Peut-être passqu'elle veut pas qu'on la dérange...
Peut-être qu'elle a pas besoin de nous du tout...
Peut-être même qu'elle se fiche de nous, la paix...
Ouille alors là...alors là ! ce serait trop drôle !
Depuis le temps qu'on se casse la tête pour la
trouver,
si la paix se fiche de nous...
y a vraiment de quoi mourir de rire ! ! !...

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EST-CE AINSI QUE LES HOMMES VIVENT ?
Louis ARAGON adaptation Léo FERRE

Tout est affaire de décor
Changer de lit changer de corps
A quoi bon puisque c'est encore
Moi qui moi-même me trahis
Moi qui me traîne et m'éparpille
Et mon ombre se déshabille
Dans les bras semblables des filles
Où j'ai cru trouver un pays

Cœur léger cœur changeant cœur lourd
Le temps de rêver est bien court
Que faut-il faire de mes jours
Que faut-il faire de mes nuits
Je n'avais amour ni demeure
Nulle part où je vive ou meure
Je passais comme la rumeur
Et m'endormais comme le bruit

Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent

C'était un temps déraisonnable
On avait mis les morts à table
On faisait des châteaux de sable
On prenait les loups pour des chiens
Tout changeait de pôle et d'épaule
La pièce était-elle ou non drôle
Moi si j'y tenais mal mon rôle
C'était de n'y comprendre rien

Dans le quartier Hohenzollern
Entre la Sarre et les casernes
Comme les fleurs de la luzerne
Fleurissaient les seins de Lola
Elle avait un cœur d'hirondelle
Sur le canapé du bordel
Je venais m'allonger près d'elle
Dans les hoquets du pianola

Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent
Elle était brune et pourtant blanche
Ses cheveux tombaient sur ses hanches
Et la semaine et le dimanche
Elle ouvrait à tous ses bras nus
Elle avait des yeux de faïence
Et travaillait avec vaillance
Pour un artilleur de Mayence
Qui n'en est jamais revenu

Le ciel était gris de nuages
Il y volait des oies sauvages
Qui criaient la mort au passage
Au-dessus des maisons des quais
Je les voyais par la fenêtre
Leur chant triste entrait dans mon être
Et je croyais y reconnaître
Du Rainer Maria Rilke

Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent

Il est d'autres soldats en ville
Et la nuit montent les civils
Remets du rimmel à tes cils
Lola qui t'en iras bientôt
Encore un verre de liqueur
Ce fut en avril à cinq heures
Au petit jour que dans ton cœur
Un dragon plongea son couteau

Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent
Comme des soleils révolus.

 

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EXPLIQUONS-NOUS de Pablo NERUDA

Vous demanderez " où sont les lilas
Et la métaphysique couverte de coquelicots
Et la pluie aux mots criblés
De lacunes et d'oiseaux ? "
Voici :
Je vivais dans un quartier de Madrid
avec des horloges, avec des cloches, avec des arbres.
De là on voyait au loin le visage sec de la Castille
comme un vaste océan de cuir.
Ma maison s'appelait
La maison des fleurs. De tous côtés
jaillissaient des géraniums ;
c'était une belle maison
avec des chiens et des enfants.
Raoul, tu te souviens ?
Te souviens-tu Raphaël ?
Federico, te souviens-tu ?
Toi qui dors sous la terre,
Te souviens-tu de ma maison aux balcons
Où la lumière de juin étranglait des fleurs dans ta bouche ?
Tout n'était que voix ardentes,
sel des marchandises,
agglomérations de pain palpitant ;
Les marchés de mon quartier d'Arguelles
Avec sa statue comme un encrier pâli.
L'huile roulait dans les cuillers,
Un profond battement
de pieds et de mains emplissait les rues.
Mètres, litres, essence profonde de la vie.
Meules de poissons entassés
Contexture des toits avec le soleil froid
dans lequel se dressait la flèche lassée,
L'ivoire délirant et fin des pommes de terre,
Vagues houleuses de tomates roulant jusqu'à la mer.

Et un matin tout prenait feu
Un matin des brasiers sortirent de terre
Dévorant les hommes.
Et depuis lors le feu,
La poudre depuis lors
Et depuis lors le sang.
Des bandits avec des avions, avec des Maures,
Des bandits avec des bagues et des duchesses,
Des bandits avec des moines noirs et des prières
Vinrent du haut du ciel pour tuer les enfants.
Par les rues le sang des enfants des enfants
Courut simplement comme du sang d'enfant. Chacals que les chacals repousseraient
Pierres que les chardons secs mordraient en crachant
Vipères que les vipères haïraient,
Devant vous j'ai vu le sang de l'Espagne se soulever
Pour vous noyer sous une vague d'orgueil
Et d'éclairs de couteaux.
Généraux
Traîtres :
Regardez ma maison morte
Regardez l'Espagne blessée.

Mais de chaque maison morte sort un métal ardent
En guise de fleurs,
Mais de chaque blessure de l'Espagne
Sort l'Espagne,
Mais de chaque enfant mort sort un fusil avec des yeux
Mais de chaque crime naissent des balles
Qui vous chercheront un jour la place du cœur.

Vous demandez pourquoi ma poésie
Ne parle pas du songe, des feuilles,
Des grands volcans de mon pays natal !

Venez voir le sang dans les rues
Venez voir le sang dans les rues
Venez voir le sang dans les rues.

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MORTS LES ENFANTS
Paroles de Renaud Séchan Musique de Franck Langolff



Chiffon imbibé d'essence
un enfant meurt en silence
sur le trottoir de Bogota
on ne s'arrête pas

Déchiquetés au champ de mines
décimés aux premières lignes
morts les enfants de la guerre
pour les idées de leurs pères

Bal à l'ambassade
quelques vieux malades
imbéciles et grabataires
se partagent l'univers


Morts les enfants de Bophal
d'industrie occidentale
partis dans les eaux du Gange
les avocats s'arrangent

Morts les enfants de la haine
près de nous ou plus lointaine
morts les enfants de la peur
chevrotine dans le coeur

Bal à l'ambassade
quelques vieux malades
imbéciles et militaires
se partagent l'univers 3°
Morts les enfants du Sahel
on accuse le soleil
morts les enfants de Seveso
morts les arbres, les oiseaux

Morts les enfants de la route
dernier week-end du mois d'août
papa picolait sans doute
deux ou trois verres, quelques gouttes

Bal à l'ambassade
quelques vieux malades
imbéciles et tortionnaires
se partagent l'univers


Mort l'enfant qui vivait en moi
qui voyait en ce monde-là
un jardin, une rivière
et des hommes plutôt frères

Le jardin est une jungle
les hommes sont devenus dingues
la rivière charrie des larmes
un jour l'enfant prend une arme

Balles sur l'ambassade
attentat, grenade
hécatombe au ministère
sous les gravats, les grabataires

 

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NUAGE LENT D'APRES de Jacques Gaucheron


Il pleut maintenant sur Hiroshima
Une pluie de cendre et de braise

Ne regarde pas !

Un nuage dément
Né de la terre qui s'éventre
C'est une pluie de ville en cendres.

Ne regarde pas !

Il ne pleut pas
C'est le sablier du temps
Qu'on a renversé sur la terre

Ne respire pas !

La poussière colle à la peau
Ne te lève pas.
Et la peau qui tombe en poussière
Ne la frotte pas.

Il pleut, il pleut sur les visages
Cette pluie brûle le paupières.

Ne regarde pas ! Ne respire pas !
C'est la guerre à sa dernière heure
Qui met au monde un nouveau monstre
Et qui jette l'avenir
Un masque de momie

C'est une pluie de ville en cendres
Une pluie de vie en poussière.

Ne respire pas !

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DEUX MINUTES FUGITIVES
Paroles et Musiques de Gilbert Lafaille 1980


C'est une chanson naïve
Un accord de cristal
Deux minutes fugitives
Sans rien d'original
Comme un bruit de gencives
Contre une porte en métal
Comme un bruit de gencives

C'est une larme qui coule
Comme une goutte de sang
Le regard de la foule
Des martyrs innocents
C'est une force qui saoule
L'engrenage incessant
Un bruit de mort qui roule
Et qui va grandissant

C'est une force qui saoule
Et l'on se sent tout seul
Mais c'est ton sang qui coule
C'est mon poing dans ta gueule
Quand un enfant s'écroule
Quand un soldat dégueule
C'est une force qui saoule
Un amas de linceuls


C'est une chanson naïve
Un accord de cristal
Une nouvelle relative
Quand on lit son journal
C'est la lame insicive
La douleur vertébral
C'est la lame incisive

C'est une chanson naïve
Un accord de cristal
Sur des choses qui arrivent
Et qui deviennent banales
Comme un homme que l'on prive
De parties génitales
Une femme écorchée vive
Une fillette qu'on empale

C'est ma terre planétaire
Qui n'est pas pour demain
Tant qu'il y aura des mains
Pour trancher des artères
C'est un flot quotidien
Et l'horreur de la guerre
C'est un visage humain
Piétiné sur des pierres

C'est une chanson naïve
Un restant d'idéal
Un rêve à la dérive
Sur un air de cristal
Une chanson émotive
Sans théorie profonde
Deux minutes fugitives
Qui changeront pas le monde

C'est une larme qui coule
Comme une goutte de sang

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LA CHANSON DE CRAONNE
Quand au bout d'huit jour, le r'pos terminé,
On va r'joindre les tranchées,
Notre place est si utile,
Que sans nous on prend la pile.
Mais c'est bien fini, on en a assez,
Person' ne veut plus marcher
Et le coeur bien gros, comm' dans un sanglot,
On dit adieu aux civelots,
Même sans tambours, même sans trompettes,
On s'en va la haut en baissant la tête.
Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes.
C'est bien fini, c'est pour toujours,
De cette guerre infâme,
C'est à Craonne, sur le plateau,
Qu'il faut laisser sa peau,
Car nous sommes tous condamnés,
On est les sacrifiés.
Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance,
Pourtant on a l'espérance
Que ce soir viendra la r'lève
Que nous attendons sans trêve.
Soudain dans la nuit et dans le silence
On voit quelqu'un qui s'avance,
C'est un officier de chasseurs à pied
Qui vient pour nous remplacer.
Doucement dans l'ombre, sous la pluie qui tombe,
Les petits chasseurs vienn' chercher leur tombe.
Au Refrain.
C'est malheureux d'voir, sur les grands boul'vards,
Tous ces gros qui font la foire.
Si pour eux la vie est rose,
Pour nous c'est pas la mêm'chose.
Au lieu de s'cacher, tous ces embusqués
F'raient mieux d'monter aux tranchées
Pour défendr' leurs biens, car nous n'avons rien,
Nous autr' les pauvr' purotins.
Tous les camarades sont enterrés là
Pour défendr' les biens de ces messieurs-là.

Ceux qu'ont l'pognon, ceux-là r'viendront
Car c'est pour eux qu'on crève,
Mais c'est fini, car les trouffions,
Vont tous se mettre en grève,
Ce s'ra vot'tour, messieurs les gros,
De monter sur l'plateau,
Si voulez la guerre,
Payez la de vot'peau.

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IMAGINE de John Lennon

Imagine there's no heaven
It's easy if you try
No hell below us
Above us only sky
Imagine all the people
Living for today...

Imagine there's no countries
It isn't hard to do
Nothing to kill or die for
And no religion too
Imagine all the people
Living life in peace...

You may say I'm a dreamer
But I'm not the only one
I hope someday you'll join us
And the world will be as one

Imagine no possessions
I wonder if you can
No need for greed or hunger
A brotherhood of man
Imagine all the people
Sharing all the world...

You may say I'm a dreamer
But I'm not the only one
I hope someday you'll join us
And the world will live as one
Imaginez qu'il n'y est pas de paradis
C'est facile il suffit d'essayer
Pas d'enfer en dessous
Au dessus juste du ciel
Imaginez tous les hommes
Vivant pour le jour présent…

Imaginez qu'il n'y est pas de pays
Ce n'est pas difficile à faire
Aucune raison de tuer ou de mourir
Et aucune religion non plus
Imaginez tous les hommes
Vivant leur vie en paix…

Vous me direz peut-être que je suis un rêveur
Mais je ne suis pas le seul
J'espère qu'un jour vous nous rejoindrez
Et le monde ne fera plus qu'un

Imaginez qu'il n'y est pas de possession
Je me demande si vous le pouvez
Pas d'avidité pas de faim
Une fraternité d'homme
Imaginez tous les hommes
Partageant le monde entier…

Vous me direz peut-être que je suis un rêveur
Mais je ne suis pas le seul
J'espère qu'un jour vous nous rejoindrez
Et le monde ne fera plus qu'un

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extraits de "LA VIOLENCE FAITE AUX PAUVRES" (oser la paix)

du père Joseph Wresinski

Seul est misérable l'homme qui se trouve écrasé sous le poids de la violence de ses semblables. Il est celui sur qui s'acharne le mépris ou l'indifférence, contre lesquels il ne peut se défendre.

Il ne peut que s'en éloigner en quittant les chemins normaux. Il doit alors s'anéantir et devenir l'oublié des cités d'urgence, des zones noires et des bidonvilles. Il est l'exclu

La violence du mépris et de l'indifférence crée la misère, car elle conduit inexorablement à l'exclusion, au rejet d'un homme par les autres hommes. Elle emprisonne le pauvre dans un engrenage qui le broie et le détruit.
La privation constante de cette communion avec autrui qui éclaire et sécurise la vie, condamne son intelligence à l'obscurité, enserre son cœur dans l'inquiétude, l'angoisse et la méfiance, détruit son âme.

Ni les pauvres, ni les riches, n'ont nécessairement conscience de la violence qui pèse sur l'univers de la misère. Elle est souvent dissimulée derrière le visage de l'ordre, de la raison, de la justice même.

N'est-ce pas au nom de l'ordre moral que nous nous introduisons dans leurs amours, les bousculant, parfois les dénigrant, toujours les jugeants, au lieu d'en faire le tremplin de leur promotion familiale? Pourtant, même s'ils ne sont pas conforme à notre morale ni à nos codes, ils sont sans doute dans la seule chance qui leur reste d'une confiance et d'un départ vers une vie plus totale.

Le bidonville aurait pu être un lieu de passage d'un peuple de malheureux vers une cité plus juste. Au nom d'un ordre social nous en avons fait un enfer, rendant leur vie infernale sous prétexte d'empêcher les familles de s'y accrocher et d'y demeurer. Notre hâte d'imposer un ordre nous fait oublier l'homme.

Plus sa vie est précaire et moins il possède de biens, plus il s'y accrochera de peur de les perdre. Il ne les échangera pas de bon gré pour ce qu'il ne peut ni connaître, ni comprendre.

N'est-ce pas aussi notre "raison" qui dicte d'enlever au pauvre son autonomie ? Ne savons-nous pas mieux que lui ce qui lui convient ? (…) Ainsi, nous allons jusqu'à lui désigner le lieu où il habitera. Puis nous l'accuserons d'être sans initiative, sans ambition et nous dirons : "Il ne veut pas s'en sortir". Comment s'en sortira-t-il, n'ayant jamais pu exercer sa propre raison ?

Au nom d'une certaine justice, nous usurpons sa place de père, nous nous substituons à lui devant ses fils; nous prétendons qu'il n'assume pas ses responsabilités, nous le condamnons. Ainsi, jamais il ne deviendra un vrai père, pleinement responsable des siens et défendant leurs droits. Ayant rejeté tout ce qu'il fait, dénigré tout ce qu'il a entrepris, l'ayant privé de la plupart des biens, nous en avons fait un assiégé. Sa plainte ne sera pas conforme à nos lois. Alors, il volera, il portera coups et blessures. Alors, au nom de la justice, nous le mènerons en prison. En sortant de là, comment sera-t-il encore capable de respecter notre justice ?
Notre ordre, notre raison, notre justice se tournent contre lui. Ils lui créent un ordre singulier, qui l'introduit dans le désordre, la déraison, l'injustice…

Dans cet ordre qui nous est raisonnable et juste, le pauvre s'installe comme dans un état normal. Il en respecte les lois et les obligations. Homme écrasé, il se comporte comme tel, mais la violence de cet ordre entre en lui. La loi qu'il subit devient celle qu'il fera subir et les obligations qui lui sont imposées, il les imposera aux siens à son environnement.

Toutefois, ce violent ne l'est pas à la manière de l'ordre qui lui est imposé. Il n'est ni cohérent, ni logique. Il sera conduit par un réflexe aveugle, maladroit, bruyant, et sa violence sera semble-t-il, sans objet. Il bat sa femme, insulte son patron, menace le préposé au chômage, renvoie ses amis… Ce n'est pas un violent, c'est un furieux. Il en vient aux mains avec ses voisins, il invective ceux qui veulent l'aider, qui encombre sa vie et qui lui apparaissent, sous leurs douces manières, les canaux de la violence incisive et implacable qu'il subit…

Alors les non-pauvres fuient ce furieux qui, pensent-ils, a bien mérité son sort. Il n'y a rien à faire, il n'y aura jamais rien à faire avec lui. La société, qui se veut fondée sur la raison et le respect de l'ordre, ne peut concevoir une telle manière de dialoguer (…)
C'est ainsi que la situation du misérable de notre "monde d'opulence" est devenue la plus tragique qui fut connu par l'homme à travers l'histoire. Jamais autant qu'aujourd'hui le misérable n'a été l'homme tronqué, l'homme mutilé, privé de sa liberté, de ses droits, de ses pouvoirs, de son honneur et de son amour; l'homme a qui est fait une violence totale au nom de la raison, de la justice, de l'ordre établi.

Quelle sorte d'homme est-il donc, celui qui traité ainsi, celui qui n'est connu qu'à travers le vice ou le péché ou en core la folie ? (…) Réduit au silence comme il convient à celui qui est la honte de la communauté, privé des moyens premiers de l'expression qui sont la parole et l'intelligence, il crie vers nous par sa misère, par son mode de vie chaotique et violent. Pourtant, cet homme n'est pas animé de haine envers ceux qui l'oppriment.

Derrière les barreaux cassés de son logis, les planches mal jointes de sa baraque, dans sa démarche quotidienne pour trouver un travail, un ami, une main qui se tende, un Dieu auquel croire, il souffre la violence sans répit d'une attente sans espoir. Et si parfois ses poings se ferment, ce n'est pas qu'eux s'enserre la haine, c'est que dans la misère, il n'a pas à serrer fortement, cordialement la main d'un ami. Sa violence est construite du désespoir de l'indignité, non pas de la conviction de ses droits et de la volonté de les revendiquer en nous attaquant.
Notre réponse à la violence inconsciente et aveugle du misérable est celle du dégoût, du mépris, du rejet toujours plus intense; c'est l'exclusion du patrimoine commun et le renfermement dans les cités dépotoirs. Notre réponse, c'est le gendarme, le car de police, le bulldozer qui en rasant le bidonville, détruit cette caricature de la propriété privée qui est celle des exclus : un peu de bois, un morceau de tôle ondulée ou du papier goudronné, quelque vieilles caisses trouvées dans les débris d'un marché…

Notre réaction est d'élever un peu plus les bastilles de nos intérêts, de nos privilèges, de nos institutions, et de réduire un peu plus l'entrebâillement des portes de nos églises, de nos temples. Nous, les sécurisés, nous nous endormirons alors dans la paix, dans la quiétude, toujours ignorants de celui qui était près de nous et qui était notre frère. Sa réalité, nous ne voulons pas la connaître et plus nous nous enfermerons dans nos forteresses, moins nous serons capables de savoir ce qu'il est réellement.
Il est devenu notre étranger, celui dont nous considérons la souffrance comme justifiée . Accepter de l'écouter, ce serait risquer de tout perdre, car il ne saurait se contenter de peu, il voudra tout prendre, tout s'accaparer, tout détruire. L'importance du danger qu'il nous fait courir, nous la connaissons bien, il faut y échapper à tout prix.Même au prix de l'inhumanité.

De ces réactions nous sommes tous responsables, même ceux qui parmi nous s'engagent dans des actions de lutte contre la pauvreté. Elles sont de notre faute car nous avons trop tendance à présenter la misère comme une petite affaire, un petit oubli, un petit accident dans l'histoire de l'humanité en marche. Et nous proposons souvent des réponses incomplètes, des solutions boiteuses. Celles-ci ne doivent surtout pas gêner la création de ce nouveau monde vers lequel nous allons.
Sans vouloir nous l'avouer, nous aussi nous pensons que ce qui importe ce n'est pas le risque de perdre un homme, mais celui de freiner le progrès des autres : construire des avions, créer des usines, atteindre des planètes, c'est cela la vraie histoire de notre époque. Et nous voulons être de cette histoire, de cette époque-là. Alors vouloir éliminer la misère, "c'est une vocation spéciale" nous dit-on parfois avec indulgence, "un charisme particulier". Mais ce n'est pas essentiel, cela ne vaut certainement pas la peine de se compromettre et de "gâcher sa vie".

C'est que nous avons mal compris cette violence sournoise et permanente infligée aux pauvres, et qui fait que des hommes se perdent tandis que nous conquérons l'espace. Nous n'avons pas compris que la violence maladroite du pauvre, loin d'être un accident dans notre histoire, remet en cause une société entière capable de poursuivre une course aux étoiles en détruisant des hommes.

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VULGAIRE de Michel Bühler

Elle avait les lèvres pincées
En anus de gallinacée
Moi j'rangeais ma gratte, mes affaires
A la fin d'un concert
L'est v'nue m'parler d'une d'mes chansons
Où j'avais du dire "bite" et "con"
Peut-être même "couille", enfin des mots
Qu'on trouve dans les dicos
J'pense qu'elle s'était d'ailleurs
Trompée d'endroit et d'soir
Les gonzesses en tailleur
Ca vient rar'ment me voir
Bref elle m'a dit ceci
Comme si j'avais été
Une crotte sur son tapis
Un ch'veu gras dans son thé :
"Dans vos couplets sommaires
Vous visez au plus bas
Monsieur vous êtes vulgaire
Je ne vous salut pas"
L'a tourné les talons
Toute fière et tout' seule
Moi j'l'rapp'lé : Ah non
Tu t'fous d'ma gueule!

Dire "foutre" et "cul" c'est p't-être osé
Tout c'que tu veux leste, salé
Mais la vulgarité ça n'a
Rien à voir avec ça
C'est par exemple mettre sans broncher
Mille ouvriers sur le pavé
Tandis qu'en bourse tes actions montent
Et n'pas en avoir honte
C'est comme à Managua
N'offrir aux filles haves
En zone franche là-bas
Qu'un salaire d'esclave
C'est réduire à plus rien
L'aide minable déjà
Qu'la vieile qui tend la main
Espère chaque mois
C'est limer les crédits
De l'école publique
Et tant pis pour qui vit
Dans des quartiers merdiques
C'est dire comme certains
Qu'c'lui qu'est dans la misère
C't au fond qu'il le veut bien
Ça c'est vulgaire Vulgaire tu vois pour moi c'est pas
Bouffer ses nouilles avec ses doigts
Péter au bal de la duchesse
Ou t'foutre la main aux fesses
Mais c'est répandre l'idée abjecte
Qu'la méd'cine ça s'achète
Qu'y en a donc une pour les rupins
Puis une autre pour les chiens
C'est polluer les têtes
D'nos rejetons mignons
Avev une culture faite
Pour piquer leur pognon
C'est leur faire croire aux p'tits
Sans défense et tout beaux
Qu'le bonheur c'est Barbie
Coca, Mickey, Mac Do
Vulgaire c'est m'imposer
Sous couvert de commerce
D'la barbaque bourrée
D'hormones les plus diverses04 79 88 61 61
C'est breveter la vie
Prendre l'eau bientôt l'air
Pour en tirer profit
Ça c'est vulgaire

Vulgaire c'est titrer à la une
Sur le mariage ou la fortune
Des stars, dents blanches et peau bronzée
Dans leurs ghettos dorés
C'est affirmer haut et dur
Qu'ce monde conduit par des ordures
Est l'seul possible désormais
Et qu'j'ai qu'à m'écraser
C'est la raison d'état
Thatcher et Pinochet
L'Afrique qui se noie
Le Tibet sacrifié
C'sont les maffias qui rient
De toutes leurs dents en or
Et c'est la barbarie
De la peine de mort
C'sont les enfants d'Irak
De Gaza de Timor
Qu'on étouffe et qu'on traque
Depuis dix mille aurores
C'est enfin commencer
Ce joyeux millénaire
Avec nos mains tachées
En acceptant la guerre
Et l'homme tel qu'il est
Sans refus ni colère
Sans l'envie de gerber
Ça c'est vulgaire !

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extrait d'une conférence d'Albert JACQUART

Communication, ça veut dire mise en commun, c'est totalement différent de l'information qui veut dire mise en forme, alors bien sûr nous sommes entourés d'objets qui nous permettent d'être informés, bravo la télé, elle nous informe bravo etc… mais qu'elle ne prétende pas être un outil de communication. Y'a pas de communication, sinon quel est mon pouvoir de réaction de zaper c'est tout c'que j'peux faire, c'est un peu pauvre. Alors que dans la communication, il y a ce que vous me dites et il y a ce que je réponds, et quand il n'y a pas d'aller-retour il n'y a pas de mise en commun, y'a pas d'communication.
Quand je pense qu'on ose dire aux enfants d'être compétitifs, ça veut dire de se heurter à l'autre pour passer devant,non,non,non, j'ai mieux à faire, la compétition c'est le suicide puisque quand je suis en compétition avec quelqu'un je n'le regarde plus dans les yeux je veux l'éliminer, alors quand on joue j'veux bien arriver le premier, ça a aucune importance pourvu que je sois capable de toujours le regarder dans les yeux. Par conséquent une société montée sur la compétition, est une société suicidaire

 

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LA PLUS DRÔLE DES CREATURES de Nazim HIKMET


Comme le scorpion, mon frère,
Tu es comme le scorpion
Dans une nuit d'épouvante.
Comme le moineau, mon frère,
Tu es comme le moineau
Dans ses menues inquiétudes.
Comme la moule, mon frère,
Tu es comme la moule
Enfermée et tranquille.
Tu es terrible, mon frère,
Comme la bouche du volcan éteint.
Et tu n'es pas un, hélas,
Tu n'es pas cinq,
Tu es des millions.
Tu es comme le mouton, mon frère,
Quand le bourreau habillé de ta peau,
Quand le bourreau lève son bâton
Tu te hâtes de rentrer dans le troupeau
Et tu vas à l'abattoir en courant, presque fier.

Tu es la plus drôle des créatures en somme,
Plus drôle que le poisson
Qui vit dans la mer sans savoir la mer.
Et s'il y a tant de misère sur terre
C'est grâce à toi, mon frère,
Si nous sommes affamés, épuisés,
Si nous sommes écorchés jusqu'au sang,
Pressés comme la grappe pour donner notre vin,
Irai-je jusqu'à dire que c'est de ta faute, non,
Mais tu y es pour beaucoup, mon frère.

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EXTRAIT D'UNE LETTRE QUE JULOS BEAUCARNE ECRIVIT APRES LA MORT DE SA FEMME ASSASSINEE PAR UN HOMME DEVENU FOU

Amis bien aimés,

Ma Loulou est partie pour le pays de l'envers du décor. Un homme lui a donné neuf coups de poignard dans sa peau de son. C'est la société qui est malade. Il nous faut la remettre d'aplomb et d'équerre par l'amour et l'amitié et la persuasion.
Sans vous commander je vous demande d'aimer plus que jamais ceux qui vous sont proches. Le monde est une triste boutique, les coeurs doivent se mettre ensemble pour l'embellir. Il faut reboiser l'âme humaine.
Je suis maintenant très loin au fond du panier des tristesses. On doit manger chacun dit-on un sac de charbon pour aller en paradis. Ah, comme j'aimerais qu'il y ait un paradis ! Comme ce serait doux les retrouvailles !
En attendant à vous autres, mes amis de l'ici-bas, face à ce qui m'arrive, je prends la liberté, moi qui ne suis qu'un histrion, qu'un batteur de planches, qu'un comédien qui fait du rêve avec du vent, je prends la liberté de vous écrire pour vous dire ce à quoi je pense aujourd'hui.
Je pense de toutes mes forces qu'il faut s'aimer à tord et à travers, je pense de toutes mes forces qu'il faut s'aimer à tord et à travers.

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QUAND LES HOMMES VIVRONT D'AMOUR
Paroles et Musique Raymond LEVESQUE


Quand les hommes vivront d'amour
Il n'y aura plus de misère
Et commenceront les beaux jours,
Mais nous, nous seront morts, mon frère.

Quand les hommes vivront d'amour
Ce sera la paix sur la terre,
Les soldats seront troubadours,
Mais nous, nous seront morts mon frère.

Dans la grand' chaîne de la vie,
Où il fallait que nous passions,
Où il fallait que nous soyons,
Nous aurons eu la mauvaise partie...

Quand les hommes vivront d'amour
Il n'y aura plus de misère
Et commenceront les beaux jours,
Mais nous, nous seront morts, mon frère. 2°
Mais quand les homm's vivront d'amour
Qu'il n'y aura plus de misère,
Peut-être song'ront-ils un jour,
A nous qui seront morts, mon frère.

Nous qui auront, aux mauvais jours,
Dans la haine et puis dans la guerre,
Cherché la paix, cherché l'amour,
Qu'ils cconnaîtront alors, mon frère.

Dans la grand' chaîne de la vie,
Pour qu'il y est un meilleur temps,
Il faut toujours quelque perdants,
De la sagesse, ici-bàs c'est le prix .

Quand les hommes vivront d'amour
Il n'y aura plus de misère
Et commenceront les beaux jours,
Mais nous, nous seront morts, mon frère.

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CHANSON DU VITRIER de Jacques Prévert


Comme c'est beau
ce qu'on peut voir comme ça
à travers le sable à travers le verre
à travers les carreaux
tenez regardez par exemple
comme c'est beau
ce bûcheron
là-bas au loin
qui abat un arbre
pour faire des planches
pour le menuisier
qui doit faire un grand lit
pour la petite marchande de fleurs
qui va se marier
avec l'allumeur de réverbères
qui allume tous les soirs les lumières
pour que le cordonnier puisse voir clair
en réparant les souliers du cireur
qui brosse ceux du rémouleur
qui affûte les ciseaux du coiffeur
qui coupe le ch'veu au marchand d'oiseaux
qui donne ses oiseaux à tout le monde
pour que tout le monde soit de bonne humeur.

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LES MOTS VIEILLIS de Jean Debruyne

Un jour, ils apprendront des mots
Qu'ils auront du mal à comprendre.
Les enfants des Indes demanderont :
"Qu'est-ce que la faim?"
les enfants d'Alabama questionneront :
"Qu'est-ce que la ségrégation raciale ?"
les enfants d'Hiroshima s'étonneront :
"Qu'est-ce qu'une bombe atomique ?"
et les enfants des écoles poseront des questions :
"Qu'est-ce que la guerre?"

c'est toi qui leur répondras; tu leur diras :
"Ce sont des mots désaffectés
comme les galères, les diligences;
des mots qui ne veulent plus rien dire;
c'est pour cela qu'on les a retirés du dictionnaire."

 


ASIE anonyme

J'ai cueilli
de belles et simples fleurs des champs.

Le vent léger,
Le chant d'un grillon
créaient la musique.

Un pétale pour le courage
Un pétale pour la liberté
Un pétale pour le bonheur…
Dans les fleurs
Je trouve la paix;

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PAIX POUR LES CREPUSCULES QUI S'AVANCENT de Pablo NERUDA

PAIX pour les crépuscules qui s'avancent,
PAIX pour le pont,
PAIX pour le vin,
PAIX pour les lettres qui me cherchent et montent dans mon sang, y emmêlant le vieux chant et la terre, les amours,
PAIX pour la ville au petit jour quand s'éveille le pain,
PAIX pour le fleuve des racines, pour le Mississipi :
PAIX pour la chemise de mon prochain,
PAIX dans le livre comme un sceau de vent,
PAIX pour Kiev et son grand kolkhoze,
PAIX pour les cendres de ces morts et de ces autres morts,
PAIX pour le fer noir de Brooklyn,
PAIX pour le facteur qui se rend de maison en maison comme le jour,
PAIX pour le chorégraphe qui crie ses paroles dans un entonnoir, aux volubilis,
PAIX pour ma main droite qui ne veut écrire que Rosario :
PAIX pour le Bolivien secret comme une pierre d'étain,
PAIX pour que tu te maries,
PAIX pour toutes les scieries du Bio-Bio,
PAIX pour le cœur écartelé de l'Espagne guérillera :
PAIX pour le petit musée de Wyoming ou le plus doux est un coussin avec un cœur brodé,
PAIX pour le boulanger et ses amours
et PAIX pour la farine :
PAIX pour tout le blé à naître, pour tout l'amour qui cherchera la frondaison,
PAIX pour tous ceux qui vivent :
PAIX pour toutes les terres et les eaux.

Je prend congé, je rentre
chez moi, dedans mes rêves,
je retourne à cette Patagonie
où le vent frappe les étables
et où l'océan disperse la glace.
Je ne suis qu'un poète et je vous aime tous,
je vais errant par le monde que j'aime :
dans ma patrie on emprisonne les mineurs
et le soldat commande au juge.
Mais j'aime moi jusqu'aux racines
de mon petit pays si froid.
Si je devais mourir cent fois,
c'est là, oui, que je veux mourir,
si je devais naître cent fois,
c'est là aussi que je veux naître,
près de l'araucaria sauvage,
des bourrasques du vent du Sud,
des cloches depuis peu acquises.
Qu'aucun ne pense à moi. Pensons
à toute la terre, frappons
amoureusement sur la table.
Je ne veux pas revoir le sang
imbiber le pain, les haricots noirs,
la musique : je veux que viennent
avec moi le mineur, la fillette,
l'avocat, le marin
et le fabriquant de poupées,
que nous allions au cinéma, que nous sortions
boire le plus rouge des vins.

JE NE VIENS RIEN SOLUTIONNER.

JE SUIS VENU ICI CHANTER, JE SUIS VENU
AFIN QUE TU CHANTES AVEC MOI.

 

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ÇA NE VOUS FAIT RIEN A VOUS? De Hugh Mac Diarmid

Quand le grand malheur est venu
Sur les enfants à Aberfan,
Souvenez-vous, on s'est ému
On a porté secours, en toute hâte
Parce que soudain,
Sans avoir eu peur,
Sans s'attendre à rien,
Avaient été enseveli
Ce jour-là
Des enfants à Aberfan

Et ceux dont le cœur a battu
Pour les enfants d'Aberfan
Sans bouger, sans rien dire
Entendent tous les jours qu'au Viêt-nam,
Des enfants sont détruits tous les jours
A coup de bombe et de napalm.

Le grand massacre des enfants
Tous les jours au Viêt-nam
Ce n'est pas ce qu'on appelle
Les catastrophes naturelles
On connaît le fléau
On connaît l'assassin
Ce meurtre-là est de mains d'hommes.

Le malheur qui est tombé
Sur les enfants d'Aberfan
La montagne du crassier noir
Qui glisse et qui ensevelit
Les enfants d'Aberfan
Songez
C'est Aberfan tous les jours au Viêt-nam
Là-bas, c'est Aberfan en avalanche
Le crassier noir américain
Qui glisse et qui ensevelit
Les enfants éffarés tous les jours au Viêt-nam.

Ça ne vous fait donc rien, à vous,

 

FRATERNITE de Walt Whitman


Seul, en ce moment, inquiet de tendresse et songeur,
Il me semble qu'il y a d'autres hommes en d'autres contrées inquiets de tendresse et songeurs.


Il me semble que je puis jeter un coup d'œil et les voir
En Allemagne, Italie, France, Espagne,
Ou là-bas, très loin, en Chine ou en Russie, ou au Japon parlant d'autres dialectes.
Et il me semble que si je pouvais connaître ces hommes-là
Je m'attacherais à eux, comme je m'attache aux hommes de mon pays.
Oh ! Je sais que nous serions frères et amis.
Je sais que je serais heureux avec eux.

 


LE GLOBE de Nazin Hikmet

Offrons le globe aux enfants, au moins pour un journée,
Donnons-leur afin qu'ils en jouent comme d'un ballon multicolore
Pour qu'ils jouent en chantant parmi les étoiles .
Offrons le globe aux enfants,
Donnons-leur comme une pomme énorme
Comme une boule de pain toute chaude,
Qu'une journée au moins, ils puissent manger à leur faim.
Offrons le globe aux enfants,
Qu'une journée au moins le globe apprenne la camaraderie.
Les enfants prendront de nos mains le globe
Ils y planteront des arbres immortels.

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CE CŒUR QUI HAÏSSAIT LA GUERRE de Robert Desnos

Ce cœur qui haïssait la guerre voilà qu'il bat pour le combat de la bataille !
Ce cœur qui ne battait qu'au rythme des marées, à celui des saisons, à celui des heures du jour et de la nuit,
Voilà qu'il se gonfle et qu'il envoie dans les veines un sang brûlant de salpêtre et de haine
Et qu'il mène un te l bruit dans la cervelle que les oreilles en sifflent
Et qu'il n'est pas possible que ce bruit ne se répande pas dans la ville et la campagne
Comme le son d'une cloche appelant à l'émeute et au combat.
Ecoutez, je l'entends qui me revient renvoyé par les échos.
Mais non, c'est le bruit d'autres cœurs, de million d'autres cœurs battant comme le mien à travers la France.
Ils battent au même rythme pour la même besogne tous ces cœurs,
Leur bruit est celui de la mer à l'assaut des falaises
Et tout ce sang porte dans des millions de cervelles un même mot d'ordre :
Révolte contre Hitler et mort à ses partisans !
Pourtant ce cœur haïssait la guerre et battait au rythme des saisons,
Mais un seul mot: Liberté a suffit à réveiller les vieilles colères
Et des millions de Français se préparent dans l'ombre à la besogne que l'aube proche leur imposera.
Car ces cœurs qui haïssaient la guerre battaient pour la liberté au rythme même des saisons et des marées, du jour et de la nuit.

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SDF en trois jours
Un pro de la chose (l'abbé Pierre) prétend qu'il suffit de trois jours pour devenir SDF convaincant. Quel que soit ton point de départ : cadre sup overbooké, smicard surexploité ou chômeur avéré, marié/deux enfants ou célibataire notoire. Trois jours seulement pour faire de toi un honnête SDF. Pourquoi hésiter plus longtemps ?
Trois jours sans manger autre chose que des sandwichs +/- SNCF.
Trois jours à craindre le sommeil et à t'éveiller la peur au ventre au moindre bruit.
Trois jours pour découvrir que les petits matins sont frais, même en plein été.
Trois jours sans te laver ni changer de linge.
Trois jours à marcher pendant des heures.
Trois jours à subir ton incapacité à aligner deux idées cohérentes.
Trois jours pour que les autres détournent le regard en te croisant.
Trois jours pour que toute ton éducation vole en éclat.
Trois jours pour briser ton appartenance au genre humain.
Trois jours. Et tu découvre que t'en a rien à foutre de puer le fauve, de pisser dans les encoignures de portes, de chier entre deux bagnoles en stationnement. Aveugle et sourd à tout ce qui t'entoure, alors les bonnes manières, hein, c'est pas l'jour...
Avec une obsession : manger et dormir. Manger et dormir. Manger, dormir. mangerdormir
Moins que les préoccupations probables d'un chien ou d'un chat.
Tu ne peux que constater la disparition brutale de tout ce qui faisait de toi un homme. Et tu ne peux t'en apercevoir que les premiers jours car ça va vite. Très vite. Après, c'est trop tard, les comportements de survie auront pris le dessus.
Se retrouver à la rue sans un sou est une agression d'une violence extrême. De quoi basculer dans la folie ou se tourner vers la violence, donc vers la page "prison". En ce qui te concerne ? Disons que tu es solide.

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DU NAVIGATEUR ET DU POETE (extrait) de Louis ARAGON

Tout ce que l'homme fut de grand et de sublime
Sa protestation ses chants et ses héros
Au-dessus de ce corps et contre ces bourreaux
A Grenade aujourd'hui surgit devant le crime

Et cette bouche absente et Lorca qui s'est tu
Emplissant tout à coup l'univers de silence
Contre les violents tournent la violence
Dieu le fracas que fait un poète qu'on tue

Ah je désespérais de mes frères sauvages
Je voyais je voyais l'avenir à genoux
La Bête triomphante et la pierre sur nous
Et le feu des soldats porté sur nos rivages

Quoi toujours ce serait par atroce marché
Un partage incessant que de font de la terre
Entre eux ces assassins que craignent les panthères
Et dont tremble un poignard quand leur main l'a touché

Quoi toujours ce serait la guerre la querelle
Des manières de rois et des fronts prosternés
Et l'enfant de la femme inutilement né
Les blés déchiquetés toujours les sauterelles

Quoi le bagne toujours et la chair sous la roue
Le massacre toujours justifié d'idoles
Aux cadavres jeté ce manteau de paroles
Le bâillon pour la bouche et pour la main le clou

Un jour pourtant un jour viendra couleur d'orange
Un jour de palme un jour de feuillages au front
Un jour d'épaule nue où les gens s'aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche

Et le plus simplement du monde il y aura
La jeunesse d'aimer et les yeux des pervenches
Des parfums plus profonds et des aubes plus blanches
Et le tendre infini dont m'entoure tes bras

 

 

L'AVENIR de Henri MICHAUX

QUAND
Les ma
Quand les ma
Les marécages
Les malédictions
Quand
Les mahahahaha
Les mahahabora
Les mahaha
Maladies ahah
Les ma tra tri ma tra tri
Ahah
Les hondregordegarderies
Les hon ku ka ra kon kus
Les hordanoplopais
De puru para puru
Les immoncéphales glossés
Les poids
Les pestes
Les putréfactions
Les nécroses
Les carnages
Les engloutissements
Les visqueux
Les éteints
LES INFECTS
QUAND
Le miel devenu pierreux
Les banquises perdant du sang
Les juifs affolés rachetant le Christ précipitamment
L'acropole, les casernes changés en choux
Les regards en chauve souris
Ou bien en barbelé, en boite à clous
De nouvelles mains en raz de marée
D'autres vertèbres faites de moulin à vent
Le jus de la joie se changeant en brûlure
Les caresses en ravages lancinants
Les organes du corps les mieux unis
En duel au sabre
Le sable à la caresse rousse
Se retournant en plomb sur tous les amateurs de plage
Les langues tièdes, promeneuses passionnées
Se changeant soit en couteaux soit en durs cailloux
Le bruit exquis des rivières qui coulent
Se changeant en foret de perroquets et de marteaux-pilons
QUAND
L'Epouvantable
Implacable
Se débondant enfin
Assoira ses mille fesses infectes
Sur ce monde fermé centré
Et comme pendu au clou
Tournant
Tournant sur lui-même sans jamais arriver à s'échapper

QUAND
Dernier rameau de l'être
La souffrance, pointe atroce
Survivra seule, croissant en délicatesse
De plus en plus aiguë et intolérable
Et le néant têtu tout autour
Qui recule comme la panique
Oh malheur, malheur !
Oh derniers souvenirs
Petite vie de chaque homme
Petite vie de chaque animal
Petites vies punctiformes
Plus jamais !
Oh vide !Oh espace !
Espace non stratifié
Oh espace !ESPACE !



MON FRERE ETAIT AVIATEUR de Bertoldt BRECHT

Mon frère était aviateur ;
Un jour il reçut un ordre, il fait son paquetage et le voilà qui s'envole vers le sud.
Mon frère était un conquérant :
Notre peuple manque d'espace vital et accroître ses terre
C'est chez nous un vieux rêve.
L'espace que mon frère a conquis se trouve dans le massif du Guadajama
Il a un mètre quatre-vingt de long
Un mètre cinquante de profondeur.


LA QUETE
Paroles Joë Darion, Musique Mitch Leigh

Rêver un impossible rève
Porter le chagrin des départs
Brûler d'une impossible fièvre
Partir où personne ne part

Aimer jusqu'à la déchirure
Aimer même trop même mal
Tenter sans force et sans armure
D'atteindre l'inaccessible étoile

Tel est ma quête
Suivre l'étoile
Peu m'importe mes chances
Peu m'importe le temps
Ma désespérance
Et puis lutter toujours
Sans question ni repos
Se damner pour l'or d'un mot d'amour
Je ne sais si je s'rai ce héros
Mais mon coeur s'rait tranquille
Et les villes
S'éclabousseraient de bleu
Parce qu'un malheureux

Brûle encore
Bien qu'ayant trop brûler
Brûle encore
Même trop même mal
Pour atteindre
A s'en écarteler
Pour atteindre
L'inaccessible étoile

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S.D.F.
Parole de Allain Leprest, Musique de Romain Didier

J'aim'rais qu'ça cesse, esse, esse
De s'dégrader,der, der
Sans un bénef, ef, ef
S.D.F.

Ce qui me blesse, esse, esse
C'est d'être soldé, dé, dé
Pour pas bézef, ef, ef
S.D.F.

J'ai pas d'adresse, esse, esse
Rien à garder, der, der
J'ai pas l'téléph, éph, éph
S.D.F.

Rien dans la caisse, aisse, aisse
Rien à fonder, der, der
J'a pas d'sous-chef, ef, ef
S.D.F.

On me rabaisse, aisse, aisse
On veut m'céder, der, der
En bas-relief, ef,ef
S.D.F.

La politesse, esse, esse
Rien à glander, er, er
J'dis ça en bref, ef, ef
S.D.F.

M'am' la Comtesse, esse, esse
Ne m'en gardez, dez, dez
Aucun grief, ef, ef
S.D.F. J'ai trop d'paresse, esse, esse
Pour musardez, dez, dez
Dans votre fief, ef, ef
S.D.F.

Chacun sa messe, esse, esse
Et ses idées, dées, dées
Chacun sa nef, ef, ef
S.D.F.

C'est ainsi qu'naissent, aissent, aissent
Des Jésus, des, des, des
Marie-joseph, eph, eph
S.D.F.

Pour qu'on s'redresse, esse, esse
C'est l'verbe aider, der, der
Qu'il faut qu'on s'greffe, effe, effe
S.D.F.

Allez j'vous laisse, aisse, aisse
J'vais jouer aux dés, dés, dés
Chez l'père Youssef, ef, ef
S.D.F.

Allez j'vous laisse, aisse, aisse
J'vais jouer aux dés, dés, dés
Chez l'père Youssef, ef, ef
S.D.F.

 

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JE FAIS UN RÊVE
Le discours le plus célèbre de Martin Luther-King; Prononcé le 28/08/1963, lors de la marche sur Washington, devant 250 000 personnes.


Je suis heureux de participer avec vous aujourd'hui à ce rassemblement qui restera dans l'histoire comme la plus grande manifestation que notre pays ait connu en faveur de la liberté.
Il y a un siècle de cela, un grand américain qui nous couvre aujourd'hui de son ombre symbolique signait notre acte d'émancipation. Cette proclamation historique faisait, comme un grand phare, briller la lumière de l'espérance aux yeux de millions d'esclaves noirs marqués au feu d'une brûlante injustice. Ce fut comme l'aube joyeuse qui mettrait fin à la longue nuit de leur captivité.
Mais cent ans ont passé et le Noir n'est pas encore libre. Cent ans ont passé et l'existence du Noir est toujours tristement entravée par les liens de la ségrégation, les chaînes de la discrimination; cent ans ont passé et le Noir vit encore sur l'île solitaire de la pauvreté, dans un vaste océan de prospérité matérielle; cent ans ont passé et le Noir languit toujours dans les marches de la société américaine et se trouve en exil dans son propre pays.
C'est pourquoi nous sommes accourus aujourd'hui en ce lieu pour rendre manifeste cette honteuse situation. En ce sens, nous sommes montés à la capitale de notre pays pour toucher un chèque. En traçant les mots magnifiques qui forment notre constitution et notre déclaration d'indépendance, les architectes de notre république signaient une promesse dont héritaient chaque Américain. Aux termes de cet engagement, tous les hommes, les Noirs, oui, aussi bien que les Blancs, se verraient garantir leurs droits inaliénables à la vie, à la liberté et à la recherche du bonheur.
Il est aujourd'hui évident que l'Amérique a failli à sa promesse en ce qui concerne ses citoyens de couleur. Au lieu d'honorer son obligation sacrée, l'Amérique a délivré au peuple noir un chèque sans valeur; un chèque qui est revenu avec la mention "Provisions insuffisantes". Nous ne pouvons croire qu'il n'y ait pas de quoi honorer ce chèque dans les vastes coffres de la chance en notre pays. Aussi sommes nous venus encaisser ce chèque, un chèque qui nous fournira sur simple présentation les richesses de la liberté et la sécurité de la justice.
Nous sommes également venus en ce lieu sanctifié pour rappeler à l'Amérique les exigeantes urgences de l'heure présente. Il n'est plus temps de se laisser aller au luxe d'attendre ni de pendre les tranquillisants des demi-mesures. Le moment est maintenant venu de réaliser les promesses de la démocratie; le moment est venu d'émerger des vallées obscures et désolées de la ségrégation pour fouler le sentier ensoleillé de la justice raciale; le moment est venu de tirer notre nation des sables mouvants de l'injustice raciale pour la hisser sur le roc solide de la fraternité; le moment est venu de réaliser la justice pour tous les enfants du Bon Dieu. Il serait fatal à notre nation d'ignorer qu'il y a péril en la demeure. Cet étouffant été du légitime mécontentement des Noirs ne se terminera pas sans qu'advienne un automne vivifiant de liberté et d'égalité.
1963 n'est pas une fin mais un commencement. Ceux qui espèrent que le Noir avait seulement besoin de laisser fuser la vapeur et se montrera désormais satisfait se préparent à un rude réveil si le pays retourne à ses affaires comme devant.
Il n'y aura plus ni repos ni tranquillité en Amérique tant que le Noir n'aura pas obtenu ses droits de citoyen.
Les tourbillons de la révolte continueront d'ébranler les fondations de notre nation jusqu'au jour où naîtra l'aube brillante de la justice.
Mais il est une chose que je dois dire à mon peuple, debout sur le seuil accueillant qui mène au palais de la justice : en nous assurant notre juste place, ne nous rendons pas coupables d'agissements répréhensibles.
Ne cherchons pas à étancher notre soif de liberté en buvant à la coupe de l'amertume et de la haine. Livrons toujours notre bataille sur les hauts plateaux de la dignité et de la discipline. Il ne faut pas que notre revendication créatrice dégénère en violence physique. Encore et encore, il faut nous dresser sur les hauteurs majestueuses où nous opposerons les forces de l'âme à la force matérielle.
Le merveilleux militantisme qui s'est nouvellement emparé de la communauté noire ne doit pas nous conduire à nous méfier de tous les Blancs. Comme l'atteste leur présence aujourd'hui en ce lieu, nombre de nos frères de race blanche ont compris que leur destinée est liée à notre destinée. Ils ont compris que leur liberté est inextricablement liée à notre liberté. L'assaut que nous avons monté ensemble pour emporter les remparts de l'injustice doit être mené par une armée biraciale. Nous ne pouvons marcher tout seuls au combat. Et au cours de notre progression, il faut nous engager à continuer d'aller de l'avant ensemble. Nous ne pouvons pas revenir en arrière. Il en est qui demandent aux tenants des droits civiques : "Quand serez vous enfin satisfaits ?" Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que le Noir sera victime des indicibles horreurs de la brutalité policière.
Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que nos corps recrus de la fatigue du voyage ne trouveront pas un abris dans les motels des grand routes ou les hôtels des villes. Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que la liberté de mouvement du Noir ne lui permettra guère que d'aller d'un petit ghetto à un ghetto plus grand.
Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que nos enfants seront dépouillés de leur identité et privés de leur dignité par des pancartes qui indiquent : "Seuls les Blancs sont admis." Nous ne pourrons être satisfaits tant qu'un Noir du Mississippi ne pourra pas voter et qu'un Noir de New York croira qu'il n'a aucune raison de voter. Non, nous ne sommes pas satisfaits, et nous ne serons pas satisfaits tant que le droit ne jaillira pas comme les eaux et la justice comme un torrent intarissable.
Je n'ignore pas que certains d'entre vous ont été conduits ici par un excès d'épreuves et de tribulations. D'aucuns sortent à peine de l'étroite cellule d'une prison. D'autres viennent de régions où leur quête de liberté leur a valu d'être battus par les tempêtes de la persécution, secoués par les vents de la brutalité policière. Vous êtes les pionniers de la souffrance créatrice. Poursuivez votre tache, convaincus que cette souffrance imméritée vous sera rédemption.
Retournez au Mississippi; retournez en Alabama; retournez en Caroline du Sud; retournez en Géorgie; retournez en Louisiane, retournez à vos taudis et à vos ghettos dans les villes du Nord, en sachant que, d'une façon ou d'une autre cette situation peut changer et changera. Ne nous vautrons pas dans les vallées du désespoir.
Je vous le dis ici et maintenant, mes amis : même si nous devons affronter des difficultés aujourd'hui et demain, je fais pourtant un rêve. C'est un rêve profondément ancré dans le rêve américain. Je rêve que, un jour, notre pays se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo : "Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes que tous les hommes sont créés égaux."
Je rêve que, un jour, sur les rouges collines de Géorgie, les fils des anciens esclaves et les fils des anciens propriétaires d'esclaves pourront s'asseoir ensemble à la table de la fraternité.
Je rêve que, un jour, l'État du Mississippi lui-même, tout brûlant des feux de l'injustice, tout brûlant des feux de l'oppression, se transformera en oasis de liberté et de justice.
Je rêve que mes quatre petits enfants vivront un jour dans un pays où on ne les jugera pas à la couleur de leur peau mais à la nature de leur caractère. Je fais aujourd'hui un rêve !
Je rêve que, un jour, même en Alabama où le racisme est vicieux, où le gouverneur a la bouche pleine des mots "interposition" et "nullification", un jour, justement en Alabama, les petits garçons et petites filles noirs, les petits garçons et petites filles blancs, pourront tous se prendre par la main comme frères et sœurs. Je fais aujourd'hui un rêve !
Je rêve que, un jour, tout vallon sera relevé, toute montagne et toute colline seront rabaissés, tout éperon deviendra une pleine, tout mamelon une trouée, et la gloire du Seigneur sera révélée à tous les êtres faits de chair tout à la fois.
Telle est mon espérance. Telle est la foi que je remporterai dans le Sud.
Avec une telle foi nous serons capables de distinguer, dans les montagnes de désespoir, un caillou d'espérance. Avec une telle foi nous serons capables de transformer la cacophonie de notre nation discordante en une merveilleuse symphonie de fraternité.
Avec une telle foi, nous serons capables de travailler ensemble, de prier ensemble, de lutter ensemble, d'aller en prison ensemble, de nous dresser ensemble pour la liberté, en sachant que nous serons libres un jour. Ce sera le jour où les enfants du Bon Dieu pourront chanter ensemble cet hymne auquel ils donneront une signification nouvelle -"Mon pays c'est toi, douce terre de liberté, c'est toi que je chante, pays où reposent nos pères, orgueil du pèlerin, au flanc de chaque montagne que sonne la cloche de la liberté"- et si l'Amérique doit être une grande nation, il faut qu'il en soit ainsi.
Aussi faites sonner la cloche de la liberté sur les prodigieux sommets du New Hampshire.
Faites la sonner sur les puissantes montagnes de l'État de New York.
Faites la sonner sur les hauteurs des Alleghanys en Pennsylvanie.
Faites la sonner sur les neiges des Rocheuses, au Colorado.
Faites la sonner sur les collines ondulantes de la Californie.
Mais cela ne suffit pas.
Faites la sonner sur la Stone Mountain de Géorgie.
Faites la sonner sur la Lookout Mountain du Tennessee.
Faites la sonner sur chaque colline et chaque butte du Mississippi, faites la sonner au flanc de chaque montagne.
Quand nous ferons en sorte que la cloche de la liberté puisse sonner, quand nous la laisserons carillonner dans chaque village et chaque hameau, dans chaque État et dans chaque cité, nous pourrons hâter la venue du jour où tous les enfants du Bon Dieu, les Noirs et les Blancs, les juifs et les gentils, les catholiques et les protestants, pourront se tenir par la main et chanter les paroles du vieux "spiritual" noir : "Libres enfin. Libres enfin. Merci Dieu tout-puissant, nous voilà libres enfin."

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LA PAIX

Antithèse de la guerre et inséparable d'elle, la paix représente un état des relations internationales : de même que l'on peut dénombrer les conflits, il est possible de délimiter les zones de paix civile ou interétatique. La paix comme état plus ou moins instable des relations internationales doit cependant être distinguée de la paix comme finalité politique universelle.
n. f. Absence d'hostilités plus ou moins ouvertes entre plusieurs entités politiques.
La paix constatée
La réflexion sur le thème de la paix et de la guerre commence par s'intéresser à la genèse de l'État en tant que condition de la paix civile. Celle-ci est pensée comme la finalité première de la construction politique et la justification principale de l'existence de l'État. Dans l'état de nature, c'est-à-dire en l'absence de structures étatiques, les individus sont nécessairement portés (ne serait-ce que par prudence) à se combattre les uns les autres. Ils ne peuvent mettre un terme à cette guerre de tous contre tous qu'en renonçant en commun à une partie de leurs pouvoirs ou libertés au profit d'une structure supérieure, l'État, qui jouit, de ce fait, du monopole de la violence légitime.
Se fondant sur cet héritage philosophique (Thomas Hobbes, en particulier, est souvent mis à contribution), la conception dite " réaliste " des relations internationales part de la constatation suivante : il n'existe pas d'autorité centrale, à la fois toute-puissante et légitime, au-dessus des États, acteurs principaux des relations internationales. Au sein d'un monde anarchique, ceux-ci ne peuvent donc compter que sur eux-mêmes pour assurer leur sécurité, ce qui implique la maximisation des avantages acquis ou, à tout le moins, la prise en compte du pire, c'est-à-dire la minimisation des risques. Paix et guerre sont alors les deux extrêmes d'un même continuum, puisque ces deux formes procèdent des calculs opérés par ces " joueurs " rationnels que sont les États ; ainsi opèrent les grandes puissances à l'échelle du monde.
Dès lors, la paix parfaite n'existe pas plus que la guerre absolue. De même que la montée aux extrêmes de la violence au sein d'un conflit donné est toujours, selon Karl von Clausewitz, limitée par les enjeux et l'ensemble des conditions sociales et culturelles, la paix, si harmonieuse soit-elle, est toujours une paix armée, dont la solidité tient pour une part au fait que les États sont perpétuellement sur le qui-vive. La version la plus pessimiste de cette approche ne voit donc dans une période de paix que la préparation des guerres à venir, et encore ces moments de stabilité n'excluent-ils absolument pas le désordre périphérique, c'est-à-dire des conflits n'incluant pas directement des grandes puissances.
Dans un tel cadre, les coexistences pacifiques sont le résultat d'un rapport de forces stable, c'est-à-dire quelque peu durable. En simplifiant les réflexions de Raymond Aron, on peut distinguer deux types de paix : la paix d'équilibre et la paix hégémonique.
Paix d'équilibre
La paix par l'équilibre des puissances renvoie à des situations très différentes les unes des autres, qui ont pour point commun que les grandes puissances n'estiment pas souhaitable ou pas réalisable un changement brutal du rapport de forces, c'est-à-dire une guerre. Il peut tout d'abord s'agir d'un équilibre réel des forces, tel qu'aucun des États ne puisse espérer le modifier seul. Cas plus fréquent, les puissances potentiellement hégémoniques peuvent être équilibrées par l'alliance d'États individuellement moins puissants. L'Empire germanique au XVIe siècle, puis la France à partir des traités de Westphalie (1648) et jusqu'à Napoléon ont été ainsi traversés par des ligues et des coalitions diverses. Ce système, cependant, n'a pas empêché les guerres ; tout au plus en a-t-il limité quelque peu la fréquence. En outre, et à proportion qu'il fonctionnait bien par rapport à la menace principale, il a éprouvé les plus grandes difficultés à intégrer des puissances nouvelles comme la Prusse durant le XVIIIe siècle.
À côté de cet équilibrage permanent et subtil, dont chaque dysfonctionnement se traduit par une guerre, il existe encore les équilibres rigides qui sont ceux des grandes alliances antagonistes, ou blocs. La rigidité qu'ils introduisent restreint la fréquence des guerres, tout en accroissant l'intensité et l'étendue de celles-ci : ainsi en a-t-il été de la Première Guerre mondiale et de ses origines. L'ère nucléaire représente un autre cas de figure. La menace nucléaire, sans commune mesure avec les enjeux qui l'induisent, a conféré à la dissuasion une dimension qu'elle n'avait jamais atteinte auparavant, et la guerre froide a été l'autre nom d'une paix surarmée et extrêmement tendue, reposant sur la possibilité de destruction mutuelle assurée. Cet équilibre de la terreur n'a pas empêché les conflits locaux, la course aux armements ou la compétition technologique et idéologique ; en revanche, les deux superpuissances (États-Unis et URSS) ne se sont pas directement affrontées.
Paix hégémonique
La paix hégémonique représente une situation à la fois plus simple et beaucoup plus rare : un seul ensemble est suffisamment puissant pour dissuader d'emblée, chez ses voisins ou satellites, toute velléité d'opposition armée. Dans l'histoire de l'Occident, seul l'Empire romain est véritablement parvenu pendant une certaine période à étendre et à préserver cette paix impériale, la pax romana. On a pu aussi évoquer à l'égard des deux continents américains la pax americana, qui en est l'équivalent moderne. La disparition de l'URSS faisant des États-Unis la seule puissance globale, on s'interroge sur la capacité de ces derniers à instaurer une paix mondiale par la seule vertu de leur supériorité. Outre que la disproportion entre l'Amérique du Nord et le reste du monde n'est pas telle qu'elle puisse autoriser ce type de transposition, il faut encore remarquer que la paix impériale suppose la mise en place d'un certain ordre politique partout où elle règne : c'était bien le sens de la pax romana. On voit réapparaître ainsi la référence à l'ordre interne ; la paix complète avec, pour origine, le seul rapport de forces suppose en réalité l'extinction ou la mise en sommeil de toutes les entités politiques extérieures à l'empire.
La conception réaliste constate ainsi l'émergence de périodes ou de zones de paix déterminées par un certain rapport de forces. À proprement parler, elle ne peut rien proposer en la matière, sauf à renier ses propres axiomes. Or, et outre les errances toujours possibles de la diplomatie, les modifications du rapport de forces ou les dysfonctionnements du système sont autant d'occasions de conflits. Dans cette perspective, la paix n'est donc jamais acquise.
La paix comme objectif et comme idéal
Si le rejet massif et sans équivoque de la guerre comme moyen de régler les différends entre États constitue un phénomène relativement moderne, la recherche de la paix s'appuie, quant à elle, sur une longue tradition religieuse et philosophique qui remonte au Moyen Âge. De saint Augustin à Jeremy Bentham en passant par Grotius, William Penn, Rousseau et Kant, on a cherché à délimiter l'espace légitime de la guerre jusqu'à le faire complètement disparaître. De Grotius à Kant, on passe ainsi d'une définition de la " guerre juste " à un " projet de paix perpétuelle ", autrement dit de l'amélioration de l'ordre existant à l'instauration d'un nouvel ordre. En cela héritiers de l'humanisme chrétien et démocratique, le libéralisme et le socialisme ont tous deux caractérisé la guerre comme une imperfection du monde ancien qu'ils visaient à transformer : néfaste au commerce pour le libéralisme, la guerre résulte de l'ultime évolution du capitalisme, pour le socialisme ; historiquement, la liaison entre un certain type de société et sa propension à faire la guerre ne va cependant pas de soi.
Ces conceptions irénistes (du grec eirênikos, " pacifique ") se décomposent donc en deux tendances : celles qui tendent à la limitation de la guerre, et celles qui visent à sa disparition. Elles ont en commun, à divers degrés, un indéniable volontarisme : la paix est un but à la fois désirable et réalisable.
La limitation de la guerre
De la " paix de Dieu " caractéristique du Moyen Âge jusqu'à l'élaboration du droit international moderne, on a cherché à limiter tant les motifs que l'intensité des guerres. Le neutralisme constitue une première réponse possible, plus particulièrement appliquée par des petites ou moyennes puissances, entourées d'alliances antagonistes (par rapport à la rivalité Est-Ouest, le mouvement des non-alignés a été une tentative en ce sens). Plus ambitieuse, la notion de sécurité collective s'appuie sur la limitation et la prévention des conflits par la reconnaissance de règles de droit et par le contrôle des armements.
Le droit international.
Dépendant de la volonté des États, le droit international n'a de caractère contraignant que dans la mesure où il place ceux-ci devant leurs propres engagements. Chaque État, en effet, a intérêt à ce que les normes qu'il perçoit comme lui étant favorables soient respectées, ce qui l'oblige à négocier des compromis avec d'autres États ayant des intérêts différents. Si tous trichent, chacun est donc perdant, puisque aucun engagement n'a plus de valeur. Le droit international est ainsi une technique de formalisation des volontés souveraines, qui favorise la stabilité et la prévisibilité des relations entre États. Son caractère public et formel le distingue de la diplomatie, par nécessité secrète, et longtemps perçue comme source majeure de guerres. Le droit international constitue ainsi le fondement naturel des systèmes de sécurité collective. Si les conflits trouvent leur origine dans le besoin de sécurité des États, la promotion de la paix passe alors par une augmentation de la sécurité de chacun, qui préserve également l'indépendance de tous. Faisant de la paix à la fois un intérêt suprême et une valeur commune, les systèmes de sécurité collective reposent, d'une part, sur des règles légales et universelles, d'autre part sur la volonté de la communauté internationale d'opposer d'emblée à toute agression les moyens de tous les membres, mesure dissuasive, garantie a priori par les engagements des États.
Organisations supranationales.
La première tentative concrète est élaborée au lendemain de la Première Guerre mondiale. Reposant sur l'énonciation de principes généraux et sur la bonne volonté de ses membres, dépourvue de tous moyens de coercition autres qu'économiques, la SDN (Société des Nations ) se révèle presque totalement impuissante pendant l'entre-deux-guerres. Semblablement, la rivalité Est-Ouest rend largement inopérante l'ONU (Organisation des Nations unies), instaurée en 1945 ; il convient toutefois d'ajouter que la charte des Nations unies fait une plus large place au réalisme politique, en ce sens qu'elle prend en compte les intérêts des grandes puissances, qui jouissent de prérogatives spéciales du fait de leur appartenance au Conseil de sécurité, et prévoit en même temps des mesures de coercition pouvant aller jusqu'à la guerre (chapitre VII de la charte ; exemples des guerres de Corée et du Golfe). En outre, l'ONU a organisé et organise de plus en plus d'opérations de maintien de la paix, qui procèdent à la fois du droit humanitaire et du règlement pacifique des différends.
Conventions internationales.
Si ces tentatives générales d'instauration de la paix se soldent par des échecs, le droit international a également tenté de limiter les formes et l'intensité des conflits, en protégeant les populations civiles (le droit des gens remonte au XVIIe siècle) ou encore les prisonniers de guerre. Des conventions de La Haye en 1899 et 1907, jusqu'à la dernière convention de Genève de 1949, les contraintes acceptées par les États vont d'ailleurs en augmentant.
Limitation des armements.
L'effort le plus notable et le plus constant concerne la limitation des armements. Les courses aux armements entre États sont perçues comme la cause principale de guerre, et non comme le symptôme d'un différend (comme le voudrait la tradition réaliste). De l'interdiction par l'Église de l'usage de l'arbalète entre chrétiens jusqu'aux traités soviéto-américains (SALT, Strategic Arms Limitation Talks, 1969-1979 ; START, Strategic Arms Reduction Talks, 1982-1993, etc.), le désarmement peut être tant quantitatif que qualitatif (spécifique à un type d'armes particulièrement dévastateur ou inhumain), tant général que régional. En réalité, la limitation des armements (arms control dans la tradition anglo-saxonne) se veut une conception progressive et pragmatique, qui préfère favoriser la stabilité et la confiance entre États par le truchement de mesures concrètes plutôt que de demander un désarmement général perçu comme irréaliste. Les mouvements pour la paix se sont pourtant engagés dans cette voie radicale.
L'abolition de la guerre
Porté à la fois par les grandes religions et par de nombreux mouvements militants, le plus souvent de gauche et écologistes, le thème de l'abolition de la guerre a rencontré un succès grandissant depuis la fin des années 1960. À l'objection de conscience, attitude individuelle, répond le pacifisme au niveau collectif. Sont à la fois préconisés un véritable désarmement, une transformation des perceptions communes aux États et une prise de conscience de la part des opinions publiques. La menace ultime qu'ont représentée les armes nucléaires pendant la guerre froide a suscité l'émergence de mouvements de protestation, soit limités à la communauté scientifique et intellectuelle, comme le Mouvement de la paix et le mouvement Pugwash, soit étendus dans certains pays à de larges fractions de la population, au sein des mouvements pacifistes, écologistes et antinucléaires, à l'instar des Verts (écologistes et extrême gauche) allemands. Ces tendances se sont cristallisées à l'occasion de la crise des euromissiles, qui a secoué l'Alliance atlantique au début des années 1980. Aujourd'hui, le désarmement complet, dans le domaine du nucléaire tout spécialement, est soutenu par de nombreuses ONG (organisations non gouvernementales), comme Greenpeace, exerçant une pression croissante sur les gouvernements des puissances nucléaires, anglo-saxonnes en particulier.
Dans la même perspective, il s'agit encore de transformer les perceptions des gouvernements et des administrations, en sorte qu'ils abordent les rapports internationaux de façon coopérative. Conçue à l'origine afin de permettre un rapprochement franco-allemand, l'Union européenne constitue l'exemple le plus achevé et le plus souvent cité de ce travail culturel ; l'approche graduelle a ainsi permis de dépasser les idées préconçues et les suspicions mutuelles.
Si la disparition de l'antagonisme Est-Ouest a semblé un instant présager une nouvelle ère de paix générale, elle s'est accompagnée dans les faits d'une multitude de crises régionales ou locales, de l' Afrique aux Balkans. Dans le cadre de cette " paix désordonnée ", les notions de sécurité, de désordre et de stabilité semblent prendre respectivement le pas sur celles de défense, de guerre et de paix. Alors que les capacités d'action des États semblent diminuer au profit de nouveaux acteurs (entreprises, ONG, réseaux et simples individus), l'attention se porte davantage sur des menaces intérieures et extérieures, comme la drogue ou le terrorisme. Le moment est donc venu, pour certains, d'en finir avec les politiques de puissance et de dépasser définitivement l'âge des États et des guerres.
Si les perspectives de paix entre les grandes puissances se présentent, semble-t-il, sous un jour favorable dans le contexte de l'après-guerre froide, la violence qui sévit à l'intérieur des sociétés développées et plus encore sur leur pourtour géographique laisse à penser que l'instauration d'un ordre stable et pacifique constitue toujours un idéal lointain. Reste à savoir si ce processus de réduction de la violence est appelé à se poursuivre, ou si ce n'est pas précisément la disparition des grandes guerres qui entraîne presque mécaniquement le déplacement et la dissémination de la violence. Le pacifisme conserve donc toutes ses raisons d'être.

 

Divers
1/ Pacifisme et non-violence. Je ne suis pas pacifiste car pour être pacifiste il faut être deux. Par contre je crois à l'efficacité de la non-violence souvent bien supérieure aux armes. Je trouve scandaleux que certains défendent leur pacifisme par l'argument qu'ils ne seraient pas prêts à aller mourir pour le Kosovo. Ce pacifisme ne mérite que le mépris. Je suis prêt à aller au Kosovo comme force d'interposition (sans armes, je ne sais pas m'en servir...), je suis prêt a mourir s'il le faut car une vie à n'importe quel prix ne vaut rien ("quoi, vous pensiez vivre toujours!"). La non-violence n'est pas la lâcheté et mieux vaut la violence que la collaboration ou la complicité avec l'oppression. Nous devons nous battre sans cesse contre la brutalité, la misère, la destruction irresponsable de nos ressources. La non-violence est la force des peuples, la violence n'est que la force des armées. Le pacifisme bêlant qui résulte de l'individualisme marchand est aussi ridicule que les va-t-en-guerre angéliques partis pour vaincre le mal, les uns comme les autres voudraient bien "dissoudre la réalité" qui n'est pas conforme à leurs voeux. Est-ce que, pour autant nous pouvons intervenir dans ce conflit qui nous échappe ? Comment un gentil écolo pourrait-il séparer deux brutes qui se provoquent ? En tout cas il faut distinguer l'opposition à la guerre par faiblesse ou égoïsme, le refus de la guerre comme méthode ou la simple critique de la stratégie retenue, de son coût humain

Tout gouvernement, toute force a besoin de se justifier dans une idéologie. Comme le dit Rousseau : "Le plus fort n'est jamais assez fort pour être toujours le maître, s'il ne transforme pas sa force en droit, et l'obéissance en devoir". Aussi, la propagande nous appelle à nous mobiliser au nom de nos valeurs de solidarité et d'humanité. Prenons la propagande au mot, utilisons la force de l'idéologie contre ceux qui nous manipulent. Retournons contre nos maîtres les armes de la critique.
Il ne sert à rien de prendre parti dans un affrontement qui nous échappe complètement, où il est impossible de départager le gendarme et l'assassin, où nous nous trouvons engagés par une logique d'alliances et où la guerre est toujours une façon de payer ses dettes, justifier les prétentions d'imposer un droit international qui est, en dernier ressort, celui des américains. C'est la crédibilité de la force américaine qui se joue encore ici malgré nous, mais ce n'est même pas une raison suffisante pour arrêter la guerre maintenant contre la purification ethnique, le désastre est là. Nous ne sommes pas aux commandes, inutile de faire comme si. Nous ne pouvons influencer la guerre ; plutôt que d'être utilisés et empirer les choses, utilisons la propagande humanitaire contre la domination marchande et l'isolement individualiste, utilisons la politiquement, comme critique sociale.
Sur quelle terre dévastée devrons-nous reculer et reconnaître notre défaite ?
Chacun retournant chez soi et déposant les armes quand les affaires reprennent
Ignorant à nouveau férocement les malheurs de son voisin.

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