Un jour l'homme s'est redressé dans la savane d'un geste il fit
un mot
d'un crâne un lamparo
puis
il a inventé l'imprimerie
les livres
lui ont ouvert les portes du cosmos
puis
l'homme s'est mis à marcher
de plus en plus vite
il a bâti des cathédrales de pierres
d'idées
des bordels des ossuaires
des asiles des obus
il a fait l'amour
il a fait la guerre
vendu même son âme
au marché noir
il a coupé des arbres
et
depuis
l'homme traîne derrière lui
sa passion et ses crimes
son violon d'Ingres
ses gosses sa femme son chien
l'homme est debout
il marche au Prozac aux neutrons
il marche sur son semblable
il est libre
il est myope.
J'SUIS
HEUREUX
Paroles de Jacques Debronckart 1969
J'ai la télé, vingt huit chaînes l'ordinateur
J'ai ma voiture le GPS à l'intérieur
Mon log'ment qui prend tous les jours de la valeur
Et l'espoir de gravir l'échelon supérieur
J'suis HEUREUX.
Une femme et deux fils qui n'obéissent guère
A Chatou une résidence secondaire
Le barbecue l'été, le feu de bois l'hiver
Et pendant le mois d'août je me dore à la mer
J'suis HEUREUX.
Je sais choisir mon déodorant corporel
Ma crème, mon tonic au parfum personnel
Je comprends mieux ma femme, je me rapproche d'elle
Je sais danser le jerk, j'ai un slip Rasurel
J'suis HEUREUX.
Ma femme sort sans moi quelquefois c'est son droit
Elle a ses connaissances, ça ne me regarde pas
Je vois tous les mardis une fille du nom d'Olga
Elle a une bouche grande et ça compte pour moi
J'suis HEUREUX.
Je suis un homme de gauche mais la gauche a vieilli
Il faut évoluer c'est la loi de la vie
Je ne dis pas cela parce que je suis nanti
D'ailleurs tout ce que j'ai, je l'ai eu à crédit
J'suis HEUREUX.
Si j'ai peur du cancer, j'ai pas peur des Chinois
J'ai du cur, j'ai donné dix francs pour l'Ouganda
J'ai besoin d'érotisme, j'aime Barbarella
Et De Funès et Dracula quand je les vois
J'suis HEUREUX.
Je rêve chaque nuit et des rêves barbares
Je suis toujours pirate, cosaque ou tartare
Egorgeur ou violeur, incendiaire ou pillard.
Puis quand je me réveille au matin c'est bizarre
J'suis HEUREUX.
Je n'perds pas mes cheveux, je n'perds pas mes réflexes
Je ne suis pas raciste, je n'ai pas de complexes
Je suis bien dans mon âge, je suis bien dans mon sexe
Aucune raison d'être angoissé ni perplexe
J'suis HEUREUX.
J'ai la télé, vingt huit chaînes l'ordinateur
J'ai ma voiture le GPS à l'intérieur
Mon log'ment qui prend tous les jours de la valeur
Et l'espoir de gravir l'échelon supérieur
La maison près de la fontaine
Couverte de vigne vierge et de toiles d'araignée
Sentait la confiture et le désordre et l'obscurité
L'automne
L'enfance
L'éternité...
Autour il y avait le silence
Les guêpes et les nids des oiseaux
On allait à la pêche aux écrevisses
Avec Monsieur le curé
On se baignait tout nus, tout noirs
Avec les petites filles et les canards...
La maison près des HLM
A fait place à l'usine et au supermarché
Les arbres ont disparu, mais çá sent l'hydrogène
sulfuré
L'essence
La guerre
La société...
C'n'est pas si mal
Et c'est normal
C'est le progrès.
Qui frappe l'air, bon Dieu ! de ces lugubres cris ?
Est-ce donc pour veiller qu'on se couche à Paris ?
Et quel fâcheux démon, durant les nuits entières,
Rassemble ici les chats de toutes les gouttières ?
J'ai beau sauter du lit, plein de trouble et d'effroi,
Je pense qu'avec eux tout l'enfer est chez moi :
L'un miaule en grondant comme un tigre en furie ;
L'autre roule sa voix comme un enfant qui crie.
Ce n'est pas tout encor : les souris et les rats
Semblent, pour m'éveiller, s'entendre avec les chats,
Plus importuns pour moi, durant la nuit obscure,
Que jamais, en plein jour, ne fut l'abbé de Pure.
Tout conspire à la fois à troubler mon repos,
Et je me plains ici du moindre de mes maux :
Car à peine les coqs, commençant leur ramage,
Auront des cris aigus frappé le voisinage
Qu'un affreux serrurier, laborieux Vulcain,
Qu'éveillera bientôt l'ardente soif du gain,
Avec un fer maudit, qu'à grand bruit il apprête,
De cent coups de marteau me va fendre la tête.
J'entends déjà partout les charrettes courir,
Les maçons travailler, les boutiques s'ouvrir :
Tandis que dans les airs mille cloches émues
D'un funèbre concert font retentir les nues ;
Et, se mêlant au bruit de la grêle et des vents,
Pour honorer les morts font mourir les vivants.
Encor je bénirais la bonté souveraine,
Si le ciel à ces maux avait borné ma peine ;
Mais si, seul en mon lit, je peste avec raison,
C'est encor pis vingt fois en quittant la maison ;
En quelque endroit que j'aille, il faut fendre la presse
D'un peuple d'importuns qui fourmillent sans cesse.
L'un me heurte d'un ais dont je suis tout froissé ;
Je vois d'un autre coup mon chapeau renversé.
Là, d'un enterrement la funèbre ordonnance
D'un pas lugubre et lent vers l'église s'avance ;
Et plus loin des laquais l'un l'autre s'agaçants,
Font aboyer les chiens et jurer les passants.
Des paveurs en ce lieu me bouchent le passage ;
Là, je trouve une croix de funeste présage,
Et des couvreurs grimpés au toit d'une maison
En font pleuvoir l'ardoise et la tuile à foison.
Là, sur une charrette une poutre branlante
Vient menaçant de loin la foule qu'elle augmente ;
Six chevaux attelés à ce fardeau pesant
Ont peine à l'émouvoir sur le pavé glissant.
D'un carrosse en tournant il accroche une roue,
Et du choc le renverse en un grand tas de boue :
Quand un autre à l'instant s'efforçant de passer,
Dans le même embarras se vient embarrasser.
Vingt carrosses bientôt arrivant à la file
Y sont en moins de rien suivis de plus de mille ;
Et, pour surcroît de maux, un sort malencontreux
Conduit en cet endroit un grand troupeau de boeufs ;
Chacun prétend passer ; l'un mugit, l'autre jure.
Des mulets en sonnant augmentent le murmure.
Aussitôt cent chevaux dans la foule appelés
De l'embarras qui croit ferment les défilés,
Et partout les passants, enchaînant les brigades,
Au milieu de la paix font voir les barricades.
On n'entend que des cris poussés confusément :
Dieu, pour s'y faire ouïr, tonnerait vainement.
Moi donc, qui dois souvent en certain lieu me rendre,
Le jour déjà baissant, et qui suis las d'attendre,
Ne sachant plus tantôt à quel saint me vouer,
Je me mets au hasard de me faire rouer.
Je saute vingt ruisseaux, j'esquive, je me pousse ;
Guénaud sur son cheval en passant m'éclabousse,
Et, n'osant plus paraître en l'état où je suis,
Sans songer où je vais, je me sauve où je puis.
Tandis que dans un coin en grondant je m'essuie,
Souvent, pour m'achever, il survient une pluie :
On dirait que le ciel, qui se fond tout en eau,
Veuille inonder ces lieux d'un déluge nouveau.
Pour traverser la rue, au milieu de l'orage,
Un ais sur deux pavés forme un étroit passage ;
Le plus hardi laquais n'y marche qu'en tremblant :
Il faut pourtant passer sur ce pont chancelant ;
Et les nombreux torrents qui tombent des gouttières,
Grossissant les ruisseaux, en ont fait des rivières.
J'y passe en trébuchant ; mais malgré l'embarras,
La frayeur de la nuit précipite mes pas.
Car, sitôt que du soir les ombres pacifiques
D'un double cadenas font fermer les boutiques ;
Que, retiré chez lui, le paisible marchand
Va revoir ses billets et compter son argent ;
Que dans le Marché-Neuf tout est calme et tranquille,
Les voleurs à l'instant s'emparent de la ville.
Le bois le plus funeste et le moins fréquenté
Est, au prix de Paris, un lieu de sûreté.
Malheur donc à celui qu'une affaire imprévue
Engage un peu trop tard au détour d'une rue !
Bientôt quatre bandits lui serrent les côtés :
La bourse ! ... Il faut se rendre ; ou bien non, résistez,
Afin que votre mort, de tragique mémoire,
Des massacres fameux aille grossir l'histoire.
Pour moi, fermant ma porte et cédant au sommeil,
Tous les jours je me couche avecque le soleil ;
Mais en ma chambre à peine ai-je éteint la lumière,
Qu'il ne m'est plus permis de fermer la paupière.
Des filous effrontés, d'un coup de pistolet,
Ébranlent ma fenêtre et percent mon volet ;
J'entends crier partout: Au meurtre ! On m'assassine !
Ou : Le feu vient de prendre à la maison voisine !
Tremblant et demi-mort, je me lève à ce bruit,
Et souvent sans pourpoint je cours toute la nuit.
Car le feu, dont la flamme en ondes se déploie,
Fait de notre quartier une seconde Troie,
Où maint Grec affamé, maint avide Argien,
Au travers des charbons va piller le Troyen.
Enfin sous mille crocs la maison abîmée
Entraîne aussi le feu qui se perd en fumée.
Je me retire donc, encor pâle d'effroi ;
Mais le jour est venu quand je rentre chez moi.
Je fais pour reposer un effort inutile :
Ce n'est qu'à prix d'argent qu'on dort en cette ville.
Il faudrait, dans l'enclos d'un vaste logement,
Avoir loin de la rue un autre appartement.
Paris est pour un riche un pays de Cocagne :
Sans sortir de la ville, il trouve la campagne ;
Il peut dans son jardin, tout peuplé d'arbres verts,
Recéler le printemps au milieu des hivers ;
Et, foulant le parfum de ses plantes fleuries,
Aller entretenir ses douces rêveries.
Mais moi, grâce au destin, qui n'ai ni feu ni lieu,
Je me loge où je puis et comme il plaît à Dieu.
Avant eux avant les culs pelés
La fleur l'oiseau et nous étions en liberté
Mais ils sont arrivés et la fleur est en pot
Et l'oiseau est en cage et nous en numéro
Car ils ont inventé prisons et condamnés
Et casiers judiciaires et trous dans la serrure
Et les langues coupées des premières censures
Et c'est depuis lors qu'ils sont civilisés
Les singes les singes les singes de mon quartier
Les singes les singes les singes de mon quartier
Avant eux il n'y avait pas de problème
Quand poussaient les bananes même pendant le Carême
Mais ils sont arrivés bardés d'intolérances
Pour chasser en apôtres d'autres intolérances
Car ils ont inventé la chasse aux Albigeois
La chasse aux infidèles et la chasse à ceux-là
La chasse aux singes sages qui n'aiment pas chasser
Et c'est depuis lors qu'ils sont civilisés
Les singes les singes les singes de mon quartier
Les singes les singes les singes de mon quartier
Avant eux l'homme était un prince
La femme une princesse l'amour une province
Mais ils sont arrivés le prince est un mendiant
La province se meurt la princesse se vend
Car ils ont inventé l'amour qui est un péché
L'amour qui est une affaire le marché aux pucelles
Le droit de courte-cuisse et les mères maquerelles
Et c'est depuis lors qu'ils sont civilisés
Les singes les singes les singes de mon quartier
Les singes les singes les singes de mon quartier
Avant eux il y avait paix sur terre
Quand pour dix éléphants il n'y avait qu'un militaire
Mais ils sont arrivés et c'est à coups de bâtons
Que la raison d'État a chassé la raison
Car ils ont inventé le fer à empaler
Et la chambre à gaz et la chaise électrique
Et la bombe au napalm et la bombe atomique
Et c'est depuis lors qu'ils sont civilisés
Les singes les singes les singes de mon quartier
Les singes les singes les singes de mon quartier
Autrefois pour faire sa cour
On parlait d'amour
Pour mieux prouver son ardeur
On offrait son cur
Maintenant c'est plus pareil
Ça change, ça change
Pour séduire le cher ange
On lui glisse à l'oreille
- Ah, Gudule!
Viens m'embrasser
Et je te donnerai
Un frigidai-reu
Un joli scootai-reu
Un atomixai-reu
Et du Dunlopillo
Une cuisiniè-reu
Avec un four en ver-reu
Des tas de couvai-reu
Et des pellagâteaux
Une tourniquette
Pour faire la vinaigrette
Un bel aérateur
Pour bouffer les odeurs
Des draps qui chauffent
Un pistolet à gaufres
Un avion pour deux
Et nous serons heureux
Autrefois, s'il arrivait
Que l'on se querelle
L'air lugubre on s'en allait
En laissant la vaisselle
Maintenant, que voulez-vous
La vie est si chère
On dit rentre chez ta mère
Et l'on se garde tout
- Ah, Gudule!
Excuse-toi
Ou je reprends tout ça
Mon frigidaire
Mon armoire à cuillères
Mon evier en fer-reu
Et mon poêle à mazout
Mon cire-godasses
Mon repasse-limaces
Mon tabouret à glace
Et mon chasse-filous
La tourniquette
A faire la vinaigrette
Le ratatine-ordures
Et le coupe-friture
Et si la belle
Se montre encor cruelle
On la fiche dehors
Pour confier son sort
Au frigidai-reu
A l'efface-poussiè-reu
A la cuisiniè-reu
Au lit qu'est toujours fait
Au chauffe-savates
Au canon à patates
A l'eventre-tomates
A l'écorche-poulet
Mais très très vite
On reçoit la visite
D'une tendre petite
Qui vous offre son cur
Alors on cède
Car il faut qu'on s'entraide
Et l'on vit comme ça
Jusqu'à la prochaine fois
Et l'on vit comme ça
Jusqu'à la prochaine fois
Ça fait pas mal d'hiers qu'on attend des demains
Ça fait pas mal de temps quand on r'garde en arrière
Qu'ils nous promettent la lune les experts les malins
Tous les fins les finauds qui dirigent la Terre
La mondialisation la globalisation
V'là qu'on n'entend plus qu' ça jusque dans not' village
Ça d'vait faire débarquer l' bonheur dans nos maisons
Après juste quelques sursauts quelques réglages
Eh ben on n' voit rien v'nir, 'vec Marcel et Roger
L'un qu'était cadre et l'autre p'tit paysan moyen
Qu'on a restructurés, fusionnés, r'déployés
Et qui se r'trouvent égaux maint'nant qu'ils sont plus rien
Marcel il dit qu' sûr'ment là on est mal placés
Qu'ailleurs y a du soleil des gens heureux qui rient
Mais oui il a vu ça l'aut' jour à la TV
Mais pourquoi z' ont fermé l'école et l'épicerie?
Il dit qu'ça veut rien dire c' qu'arrive dans un pat'lin
L' Marcel, qu'il faut tout voir à l'échelle planétaire
Et qu'il y a des pays où les exclus vont bien
Où les mecs sous-payés ils ont la pèche d'enfer
Où le quart-monde il mord la vie à pleines dents
Comment? Il n'a plus d' dents.. C'est c' que j' pensais, c'est clair
Marcel il pète les plombs d'puis qu'il a plus ses champs
Et qu'on a transformé ses vaches en hamburgers
L' Roger il dit plus rien ça fait dix ans qu'il chôme
Qu'il suit des séminaires, des formations, des stages
A poursuivre du vent il r'ssemble à un fantôme
Abonné chez picrate il fait dix fois son âge
C'est qu' du pipeau tout ça, montrez-moi l'embellie
Les ceux qu'ont du travail doivent se tuer au boulot
D'accord z'ont des portables, le web qui les relie
Mais pourquoi z' ont fermé la poste et le bistro?
L'autre jour j'entendais un Monsieur de Mon Cul
Ou de Mes Couilles Qui M' Grattent ou de N'importe Quoi
Dire dans mon transistor arrogant convaincu
Qu' sa mondialisation ça créait des emplois
Ouah putain j'ai vu rouge j 'aurais voulu l'avoir
Là juste en face de moi pour lui demander où
Pour lui demander quand, eh répond gros connard
T'as vu qu'on embauchait en tout cas pas chez nous
Peut-être qu'il parlait d' ces enfants qu'on enchaîne
Là-bas dans le tiers monde dans ces pays si tristes
Qui bossent douze heures par jour pour un dollar à peine
Tandis que leurs frangines se vendent à nos touristes
V'là leur projet: retour deux siècles en arrière
Et pas qu'au Bangladesh, tu parles, jusqu'ici
Chacun pour soi, pour tous de minables salaires
Mais pourquoi z'ont fermé l'usine et la scierie?
Et comme ils parlent fort, dans la rue, dans l' journal
On finirait par croire au fond qu'ils ont raison
Qu' les pauvres deviennent plus pauvres dèjà ça d'vient
banal
y a pas un autr' chemin? Je pose la question
Verrez bientôt ça s'ra l'Amérique par là
D'un côté des ghettos bien crades et puis bien gros
Quelques prisons tout près pour ceux qui acceptent pas
Puis un tout p'tit quartier d' riches gardé par des Rambo
'lors me dites plus que d'main on va raser gratis
On nous l'a d'jà fait l' coup de l'avenir radieux
Et les lend'mains qui chantent au bon vieux temps jadis
Le résultat d'aujourd'hui ça s'annonce pas mieux
Non je n' déconne pas r'gardez rien que chez nous
Dans ce p'tit bled qu' était blanc suisse quoi normal
Tout d'vient tell' ment privé qu'on s'ra privé de tout
La preuve ils vont fermer la gare et l'hôpital!
TRUCS ET FICELLES
Paroles et Musique de Gilbert Lafaille 1980
1°
Trucs et ficelles
Troc et combines
DeNeuchatel
Aux Philippines
Fut' en flanelle
Sur moleskine
De grand hôtel
En limousine
Polichinelle
Voyage en Chine
T'as du nickel
J'ai des usines
T'as du platine
Mais pas d'bretelle
Ton archipel
Pour ma turbine
Tu pousse ton fou
Hou, hou!
J'te prends ton roi
Ha, ha!
Toi t'as Cuba
Moi Tonbouctou
Tu prends l'Pérou
Moi l'Angola 2°
Trucs et ficelles
Troc et combines
D'Aix la Chapelle
A Constantine
Du grand cocktail
Où l'on badine
A la d'moiselle
Trés trés câline
Cadet Roussel
A trois vitrines
Des caravelles
Et d'l'aspirine
T'as des cervelles
Qui t'enquiquine?
Tu démantelles
Moi j'endoctrine
Et si j'recule
mon cavalier
Tu prends mon pion
mais moi ta tour
Si j'te laisse faire
à Singapour
Ca fait rentrer
mille tonnes d'acier
3°
Trucs et ficelles
Troc et combines
De Compostelle
A Tien Tsin Tsin
De grand cartel
En saccharine
De clientéle
En cocaîne
Fée Mélusine
En Israêl
T'as des diésels
Mais pas d'benzine
J'ai d'la farine
T'as pas d'cheptel
Deux colonels
Pour ta ballerine
Tu pousse ton fou
Hou, hou!
J'te prends ton roi
Ha, ha!
T'as Panama
Pour faire joujou
Touche aux Papous
J'prends l'Ouganda 4°
Trucs et ficelles
Troc et combines
DeNeuchatel
Aux Philippines
Fut' en flanelle
Sur moleskine
De grand hôtel
En limousine
Papa Noêl
En Palestine
T'as d'la Javel
J'ai pas d'piscine
T'as des rebelles
Qui se mutinent
Un caramel
Une carabine
Et si j'avance
un peu ma reine
Te v'la bloqué
sur les deux cases
Un incident
prés du Caucase
Echec et mat !
A moi l'Yémen
C'est une p'tite fille qu'a les yeux doux
Qui pleure des fois mais pas beaucoup
Qui rit souvent qui chante aussi
Du genre qu'aurait besoin tout l'temps
Qu'on la caresse en lui disant
Des trucs tout cons des mots gentils
Elle vit dans une alléè la-bas
Cité des roses ouais j'rigole pas
Y'a des bagnoles vagu'ment cramées
Des bouteilles vides des bouts d'fer blanc
Sur une pelouse ou y'a longtemps
Qu'on n'a pas vu un'fleur pousser
C'est Nanou qu'on l'appelle je cois
Faudrait qu'sa vie soit belle voilà
C'est une p'tite fille seule dans la ville
Comme des millions d'autres fragiles
L'matin fait noir quand elle s'en va
Devant elle y'a des jours qui viennent
On dirait qu'des débuts ds'emaine
Quand c'est novembre et qu'il fait froid
Sur l'écran d'sa télé le soir
On lui balance des bouts d'espoir
Rien qu'du ciné rien qu'du semblant
Des p'tites pisseuses qui chantent leur tube
Des top-modèles qui font leur pub
C'qui fait rêver les pauvres gens
C'est Nanou qu'on l'appelle je crois
Faudrait qu'sa vie soit belle voilà
C'est une p'tie fille un peu perdu
La tendresse ça court pas les rues
Qu'a comme un nuage bleu sur l'cur
Qu'a comme une vague envie d'amour
Qu'aura bien l'droit d'croiser un jour
Quelqu'chose qui ressemble au bonheur
C'est une p'tite fille qu'a les yeux doux
Qui rit souvent tout l'monde s'en fout
P'tit sac p'tite robe tout p'ptits lendemain
Moi j'dis qu's'il y'a un bon dieu
Il pourrait s'remuer un peu
Just'un geste ça lui coûterait rien
C'est Nanou qu'elle s'appelle je crois
Faudrait qu'sa vie soit belle voilà
Mon vieux les roses et les choux
Aujourd'hui tout l'monde s'en fout
Et même les cigognes
n'amuse plus personne
avec leur p'tit baluchon
est-ce une fille ou un garçon
ca nous fait perdre un temps fou
vite vite on veut tout savoir tout d'suite
tout d'suite on veut savoir tout
rasl'bol des pochettes surprises
c'qu'y a dans tout faut qu'on nous l'dise
foutu père noël
qui veut faire du zèle
avec ses papiers cadeaux
qu'y faut défaire c'est idiot
ca nous fait perdre un temps fou
vite vite on veut tout savoir tout d'suite
tout d'suite on veut savoir tout
c'qui faut c'est communiquer
nous v'là tout ombiliqué
on s'envoie des ondes
et devant tout l'monde
on dit allo tu m'entends
j'ai rien à t'dir' d'important
ca fait gagner un temps fou
vite vite on veut rien s'dire mais tout d'suite
tout d'suite on s'dit rien du tout
on est partout en même temps
à new-york au pakistan
tout sanglant tout chaud
le monde fait son show
nous posons pas trop d'questions
c'est nul pour la digestion
pis ça fait perdre un temps fou
vite vite donnons notre avis tout d'suite
tout d'suite un avis tout
dire que pour faire des enfants
il faut attendre cent sept ans
en plus on tricote
sans voir la cam'lotte
heureus'ment les nouveaux nés
on va bientôt les cloner
c'est quand même plus chouette
d'savoir c'qu'on achète
y s'ront si jolis (jolis)
si doux si polis (polis)
s'apell'ront dolly (dolly)
ou alors dolly (dolly)
et aussi dolly (dolly)
ou encore dolly (dolly)
et sinon dolly (dolly)
il bèleront comme des fous
vite vite on veut dev'nir fous tout d'suite
tout d'suite on veut dev'nir fou
(dolly) (dolly) (dolly) (dolly) (dolly)
tout d'suite on veut dev'nir fou
LA VIE ETANCHE (dans l'astronef)
de Charles Dobzynski
Dans la cabine blanche où le silence
Anéantit les objets dans l'oubli
De leur terreur, de leur sens, de leur forme,
Le pouls précis de mille manomètre
Seul peut fixer l'homme dans l'unité.
Tout à la fin se ferme sur soi-même,
L'air hermétique épaissit les couleurs,
Climatisée, la vie, purifiée,
Réglée selon des pulsion obscures,
Des lois de gaz, des dosages chimiques.
L'odeur des bois, des ruisseaux et des roches
A dû traverser des filtres de verre,
Il en subsiste une sorte de cendre
Et l'homme sent soudain qu'il désespère
D'être à jamais étranger ou captif
Dans la machine et le temps qu'il maîtrise.
L'HOMME FOSSILE
Paroles et Musique de Pierre Tisserand
1°
V'là trois millions d'années que j'dormais dans la tourbe
Quand un méchant coup d'pioche me trancha net le col
Et me fit effectuer une gracieuse courbe
A la fin de laquell' je plongeais dans l'formol.
D'abord on a voulu m'consolider la face
On se mit à m'brosser mâchoires et temporals
Suivi d'un shampoing au bichromat' de potasse
Puis on noua une faveur autour d'mon pariétal.
2°
Du jour au lendemain je devins un' vedette
Journaux, télévision y'en avait que pour moi
Tant et si bien du rest' que les autres squelettes
Se jugeant délaissés me battaient un peu froid.
Enfin les scientifiqu's suivant coutum's et us
Voulant me baptiser de par un nom latin
M'ont appelé Pythécanthropus érectus
Erectus ça m'va bien moi qu'étais chaud lapin.
3°
Et ces messieurs savants à bottin's et pinc'-nez
Sur le vu d'un p'tit os ou d'une prémolaire
Comprirent que j'possédais de sacré facultés
Qui me différentiaient des autres mammifères.
Ils ont dit que j'étais un virtuos' du gourdin
Qui assomait bisons aurochs et bonn' fortune
Que j'étais drôl'ment doué pour les petits dessins
De Vénus callipyg' aux tétons comme la lune.
4°
Ils ont dit que j'vivais jadis dans une grotte
Ils ont dit tellement d'chos's, tellement de trucs curieux.
Qu'j'étais couvert de poils, que j'avais pas d'culotte
Alors que j'habitais un pavillon d'banlieue.
J'étais comm' tout l'mond' pétris de bonn's
manières
Tous les dimanch's matin je jouais au tiercé
Je portais des cols durs et des bandag's herniaires
C'était avant la guerr', avant qu'tout est sauté
5°
C'était voilà maint'nant bien trois millions d'années
Vous n'avez rien à craindre ...Y'a plus de retombées.
QUAND
Les ma
Quand les ma
Les marécages
Les malédictions
Quand
Les mahahahaha
Les mahahabora
Les mahaha
Maladies ahah
Les ma tra tri ma tra tri
Ahah
Les hondregordegarderies
Les hon ku ka ra kon kus
Les hordanoplopais
De puru para puru
Les immoncéphales glossés
Les poids
Les pestes
Les putréfactions
Les nécroses
Les carnages
Les engloutissements
Les visqueux
Les éteints
LES INFECTS
QUAND
Le miel devenu pierreux
Les banquises perdant du sang
Les juifs affolés rachetant le Christ précipitamment
L'acropole, les casernes changés en choux
Les regards en chauve souris
Ou bien en barbelé, en boite à clous
De nouvelles mains en raz de marée
D'autres vertèbres faites de moulin à vent
Le jus de la joie se changeant en brûlure
Les caresses en ravages lancinants
Les organes du corps les mieux unis
En duel au sabre
Le sable à la caresse rousse
Se retournant en plomb sur tous les amateurs de plage
Les langues tièdes, promeneuses passionnées
Se changeant soit en couteaux soit en durs cailloux
Le bruit exquis des rivières qui coulent
Se changeant en foret de perroquets et de marteaux-pilons
QUAND
L'Epouvantable
Implacable
Se débondant enfin
Assoira ses mille fesses infectes
Sur ce monde fermé centré
Et comme pendu au clou
Tournant
Tournant sur lui-même sans jamais arriver à s'échapper
QUAND
Dernier rameau de l'être
La souffrance, pointe atroce
Survivra seule, croissant en délicatesse
De plus en plus aiguë et intolérable
Et le néant têtu tout autour
Qui recule comme la panique
Oh malheur, malheur !
Oh derniers souvenirs
Petite vie de chaque homme
Petite vie de chaque animal
Petites vies punctiformes
Plus jamais !
Oh vide !Oh espace !
Espace non stratifié
Oh espace !ESPACE !
J'ai ma cervelle père ubu
C'est une machine IBM
drôlement miniaturisé
Et qui efface d'elle même
les mensonges les hontes bus
les mots d'ivrogne les querelles
Et me garde conscience belle
Bon grain séparé de l'ivrai
Que portes-tu dans sac à tripes
Tous mes viscères père ubu
Tout un laboratoire intime
Larguant ses déchets aux égouts
Une hallucinante machine
Mais sans acier et sans alu
Sans vis sans boulon sans écrou
Dont adam fut le prototype
Un fantastique moteur mou
Que caches-tu dans sac à graines
Des petits enfants père ubu
Des centaines et des centaines
Jadis j'en avais plus encore
C'était le meilleur de moi même
Si j'en crois certaines goulues
Qui s'en abreuvaient sans remords
Ces chérubins ont eu l'aubaine
D'ignorer la vie et la mort
En quel endroit est donc ton âme
Ca je l'ignore père ubu
Si j'en suis nanti je présume
qu'il serait vain pour la trouver
De m'ouvrir la boite à problèmes
Et sac à tripes et sac à graines
Elle y serait trop à l'étroit
Ame invisible et incertaine
Elle est peut-être dans l'étroit
Elle serait là, si lourde
Avec son ventre de fer
Et ses volants de laiton
Ses tubes d'eau et de fièvre
Elle courrait sur ses rails
Comme la mort à la guerre
Comme l'ombre dans les yeux
Il y a tant de travail
Tant et tant de coups de lime
Tant de peine et de douleurs
Tant de colère et d'ardeur
Et il y a tant d'années
Tant de visions entassées
De volonté ramassée
De blessures et d'orgueils
Métal arraché au sol
Martyrisé par la flamme
Plié, tourmenté, crevé
Tordu en forme de rêve
Il y a la sueur des âges
Enfermée dans cette cage
Dix et cent mille ans d'attente
Et de gaucherie vaincue
S'il restait
Un oiseau
Et une locomotive
Et moi seul dans le désert
Avec l'oiseau et le chose
Et si l'on disait choisis
Que ferais-je, que ferais-je
Il aurait un bec menu
Comme il sied aux conirostres
Deux boutons brillants aux yeux
Un petit ventre dodu
Je le tiendrais dans ma main
Et son coeur battrait si vite...
Tout autour, la fin du monde
En deux cent douze épisodes
Il aurait des plumes grises
Un peu de rouille au bréchet
Et ses fines pattes séches
Aiguilles gainées de peau
Allons, que garderez vous
Car il faut que tout périsse
Mais pour vos loyaux services
On vous laisse conserver
Un unique échantillon
Comotive ou zoizillon
Tout reprendre à son début
Tous ces lourds secrets perdus
Toute science abattue
Si je laisse la machine
Mais ses plumes sont si fines
Et son coeur battrait si vite
Que je garderais l'oiseau.
Boris Vian
Les accidents de la route ayant augmen-té de façon significative,
le gouverne-ment mit en place une campagne de presse intensive pour faire
cesser ce fléau. A la surprise générale, les Français
se laissèrent convaincre et changèrent peu à peu
leur com-portement Ils utilisèrent davantage les trans-ports en
commun, respectèrent strictement le code de la route et commencèrent
à avoir, en tant qu'automobilistes, de l'attention pour leurs concitoyens
Le gouvernement se félicita de la diminu-tion des accidents qu'il
attribua à la pertinen-ce de son programme et à la force
de convic-tion de ses ministres. L'éton-nement fut grand lorsqu'il
apparut que le mouvement s'amplifiait. S'identifiant de moins en moins
à leur voi-ture, les Français n'en firent plus le support
essentiel de leurs loisirs et de leur stan-ding Les cadres découvri-rent
qu'ils pouvaient exister sans voiture de prestige, et les petits marquis
des cabinets ministériels qu'il y avait une vie après la
Safrane. La consommation de voitures baissait.
Les proclamations d'autosatisfaction du gouvernement se raréfièrent.
Le lobby des constructeurs automobiles se lança dans une campagne
de presse pour exalter le risque, la vitesse, le panache en voiture Rien
n'y lit et, peu à peu, les accidents de la route devinrent exceptionnels.
Le syndicat de la réparation automobile, touché de plein
fouet par cette situation, vit fondre de 70 % ses effectifs. Le renouvellement
du parc automobile se ralen-tit, malgré des primes que le gouvernement
versait aux acheteurs, et l'on vit croître dange-reusement le stock
de voitures invendues. On annonça quelques suicides d'experts en
"flux tendus" Les compagnies d'assurance furent gravement sinistrées
par la diminution des contrats et la généralisation des
bonus qui réduisirent considérablement leur flux de tré-sorerie.
Les services des urgences des hôpitaux pré-sentèrent
des bilans catastro-phiques car ils n'arrivaient plus à amortir
leurs investis-sements très sophistiqués Faute de clientèle,
nombre de centres de rééducation fonctionnelle et profes-sionnelle
fermèrent leurs portes La situation fut jugée grave par
le gouvernen1ent qui commanda des études à des experts.
Ceux-ci chiffrè-rent à 300 000 la disparition d'emplois
dus à ce nouveau comportement des Français (J.). D'après
leurs calculs, le seuil d'accident était tombé trop bas
et, si l'on voulait la reprise, il convenait de revenir à un nombre
d'accidents plus confor-me au "cercle de la raison" économique
Rien n'y fit! Les Français étaient devenus désespérément
sages et appliquaient ce que depuis des lustres, on leur présentait
comme un comportement responsable et civique
Non seulement l'automobile fut atteinte, mais la consommation d'alcool
et de tabac diminua, entraînant de graves pertes de res-sources
fiscales pour l'Etat et des disparitions d'emplois tant dans le secteur
de la produc-tion que dans celui de la santé. Le plaisir de savourer
le temps, les êtres et les choses rem-plaçait peu à
peu la frénésie de les consom-mer
Les dernières tentatives gouvernemen-tales pour débusquer
des gisements d'em-plois dans les services aux personnes ne don-nèrent
que des résultats modestes, car de plus en plus de personnes avaient
du temps pour s'intéresser à leurs proches et à leurs
amis
Grâce à une poussée d'attentats terroristes, on vit
un moment la courbe de l'emploi se redresser légèrement
du fait de la création systématique de vigiles dans les
magasins
Mais les destructions opérées et les emplois générés
restaient largement insuffisants pour relancer la machine économique.
Le PIB s'ef-fondrait et l'on commença à entendre tel ou
tel expert affirmer: "Au fond, ce qu'il nous faudrait, c'est une
bonne guerre".
En ce lundi matin, je fus réveillé en sur-saut par mon
radioréveil. Le journaliste expliquait que le bilan des accidents
de la route du week-end restait dans la norme saisonnière Les kilomètres
de bouchons à l'entrée des grandes villes ne subissaient
pas de variation significative. La consommation d'alcool, de tabac, de
"vache folle", l'expo-sition à l'amiante et à
la pollution permet-tait d'envisager des créations d'emplois dans
le domaine sanitaire. Grâce au stress généralisé
des salariés qui avaient peur de perdre leur emploi et à
celui des chômeurs qui n'en trouvaient pas, la France restait championne
du monde de la consommation d'antidépresseurs. Et l'on annonçait
de pro-chaines manifestations de chauffeurs rou-tiers, car le protocole
d'accord signé après le dernier mouvement de grève
n'avait pas été respecté. Je retrouvais un monde
fami-lier. L'économie se portait bien Je n'avais fait qu'un cauchemar.
Allume la lumière, plonge tes yeux
dans sa chaleur neuve, ce fleuve blond
où l'amertume s'effiloche peu à bleu,
décore tes lèvres d'un sourire, la mort
va t'attendre mon frère.
N'imagine pas le monde clos,
les monts sans projet, l'aube sans astuce,
le lent reposoir des saisons sans amour,
décore tes lèvres d'un sourire, la mort
va t'attendre mon frère.
Il faut du temps pour perdre son âme,
l'étoile de la sagesse, l'idée même
de la fraternité se cultivent sans cesse,
on a tôt fait d'oublier l'autre
à n'aimer que soi-même,
décore tes lèvres du mot frère,
la mort se charge du silence.
1)Je veux chanter pour ceux qui s'aiment
Ceux qui partagent et se comprennent
Qui balaient toutes les détresses
Pour les ouragans de tendresse
Je veux chanter pour ceux qui dansent
Sur la passerelle de l'espérance
Dansent au-dessus des abimes
D'un monde en flamme et qui délire
Refrain
Allez, allez la vie
Passionnément à la folie
Du premier jour au dernier cri
Rien n'est joué, rien n'est écrit
Soleil au cur, tout est permis
Allez la vie
2) Je veux chanter pour ceux qui donnent
Qui travaillent à la chaîne des hommes
Dans les sables et dans les rizières
Pour bâtir des villes de lumière
Je veux chanter pour ceux qui luttent
Ceux qui souffrent et qu'on persécute
Pour des rêves ou pour des idées
Qui finiront par triompher
Ils cassent le monde
En petits morceaux
Ils cassent le monde
A coups de marteau
Mais ça m'est égal
Ca m'est bien égal
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez
Il suffit que j'aime
Une plume bleue
Un chemin de sable
Un oiseau peureux
Il suffit que j'aime
Un brin d'herbe mince
Une goutte de rosée
Un grillon de bois
Ils peuvent casser le monde
En petits morceaux
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez
J'aurais toujours un peu d'air
Un petit filet de vie
Dans l'oeil un peu de lumière
Et le vent dans les orties
Et même, et même
S'ils me mettent en prison
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez
Il suffit que j'aime
Cette pierre corrodée
Ces crochets de fer
Où s'attarde un peu de sang
Je l'aime, je l'aime
La planche usée de mon lit
La paillasse et le châlit
La poussière de soleil
J'aime le judas qui s'ouvre
Les hommes qui sont entrés
Qui s'avancent, qui m'emmènent
Retrouver la vie du monde
Et retrouver la couleur
J'aime ces deux longs montants
Ce couteau triangulaire
Ces messieurs vêtus de noir
C'est ma fête et je suis fier
Je l'aime, je l'aime
Ce panier rempli de son
Où je vais poser ma tête
Oh, je l'aime pour de bon
Il suffit que j'aime
Un petit brin d'herbe bleue
Une goutte de rosée
Un amour d'oiseau peureux
Ils cassent le monde
Aves leurs marteaux pesants
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez, mon coeur
LE PROGRES
Paroles: Georges Brassens. Musique: Jean Bertola
Que le progrès soit salutaire,
C'est entendu, c'est entendu.
Mais ils feraient mieux de se taire,
Ceux qui dis'nt que le presbytère
De son charme du vieux temps passé n'a rien perdu,
N'a rien perdu.
Supplantés par des betteraves,
Les beaux lilas ! les beaux lilas !
Sans mentir, il faut être un brave
Fourbe pour dire d'un ton grave,
Que le jardin du curé garde tout son éclat,
Tout son éclat.
Entre les tours monumentales
Toujours croissant, toujours croissant,
Qui cherche sa maison natale
Se perd comme dans un dédale.
Au mal du pays, plus aucun remède à présent,
Remède à présent.
C'est de la malice certaine,
C'est inhumain ! c'est inhumain !
Ils ont asséché la fontaine
Où les belles samaritaines
Nous faisaient boire, en été, l'eau fraîche dans leurs
mains,
Fraîche dans leurs mains.
Ils ont abattu, les vandales,
Et sans remords, et sans remords,
L'arbre couvert en capitales
De noms d'amants : c'est un scandale !
Les amours mort's n'ont plus de monuments aux morts,
Monuments aux morts.
L'a fait des affaires prospères,
Le ferrailleur, le ferrailleur,
En fauchant les vieux réverbères.
Maintenant quand on désespère,
On est contraint et forcé d'aller se pendre ailleurs,
Se pendre ailleurs.
Et c'est ce que j'ai fait sur l'heure,
Et sans délai, et sans délai.
Le coq du clocher n'est qu'un leurre,
Une girouette de malheur(e).
Ingrate patrie, tu n'auras pas mes feux follets,
Mes feux follets.
Que le progrès soit salutaire,
C'est entendu, c'est entendu.
Mais ils feraient mieux de se taire,
Ceux qui dis'nt que le presbytère
De son charme du vieux temps passé n'a rien perdu,
N'a rien perdu.
Nous sommes les membres de l'équipage
Du vaisseau spatial terre.
Il ne dépend que de nous
Il dépend de tout un chacun
Que la planète terre tourne plus rond
Que l'eau soit plus pure
Que l'air soit plus propre
Afin que la plante humaine
Puisse continuer à fleurir
Une fois tournée la page de ce siècle
Il nous reste neuf ans jusqu'à l'an 2000
Pour retrousser nos manches
Et laver la maison
Pour accueillir le 21° siècle.
Le neuf du neuf nonante neuf
Le monde sera neuf ou veuf !
Si toutes les radios et les télévisions du monde
Voulaient bien s'en donner la peine
Avec tous les satellites qui gravitent
Et répercutent les images et les voix,
La terre pourrait devenir en moins de trois mois
Un paradis terrestre.
"L'impossible, nous ne l'atteignons pas, il nous sert de lanterne."
Existe-t-il une meilleure définition du pouvoir positif de nos
utopies que cette formule lapidaire de René Char?
Pour avancer, l'homme a besoin d'espérer en des temps meilleurs,
de croire qu'il vaincra un jour ce qui le fait souffrir et le divise.
Car de cette utopie rêvée naît une force, une énergie,
qui permettent de mieux voir, mieux imaginer, mieux agir... L'Idéal
est une bourrasque qui nous fait décoller.
On a souvent reproché aux idéalistes leur côté
déraisonnable... mais sans cette folie, il n'y a pas de dépassement
possible. On se contente bourgeoisement de ce que l'on a et le monde ne
change pas, ou change mal!
Aujourd'hui, les grandes utopies du siècle passé sont mortes.
Nous assistons à leurs funérailles. Et toute forme d'idéal
est devenue suspecte. N'a-t-on pas vu les grands élans communautaires
déraper en dérives totalitaires? N'a-t-on pas vu nos rêves
de mondes meilleurs aboutir à des " Meilleur des mondes "
comme celui d'Aldous Huxley? Le résultat de ces constats en est
une société désenchantée et désabusée...
Ce n'est pourtant pas l'idéalisme qui est dangereux, mais sa dérive
en système, son détournement policé au profit d'un
individu ou d'une caste. L'Idéal doit rester une force énergétique
de vie. Face à la faillite de nos dirigeants et de nos systèmes...
les forces oniriques de l'invention nous sont plus que jamais nécessaires!
Puisse la jeunesse qui prépare le monde de demain s'emparer de
ces feux d'artifice cristallisés du Verbe utopique. Car il n'y
a qu'une nouvelle génération pour oser faire mentalement
table rase. Et les cris de tous ceux qui, au cours des siècles,
ont osé rêver jusqu'aux plus folles limites lui sont à
tout jamais destinés.
Temps modernes et
modernité
La difficulté à maîtriser le concept de modernité
vient de ce qu'on lui fait jouer un double rôle, tantôt en
le liant à certaines valorisations esthétiques, voire plus
vaguement à l'affirmation de positions novatrices (chaque âge
aurait ainsi sa modernité), tantôt en s'en servant comme
une dénomination d'époque (les difficultés augmentent
dès que l'on tente de lui assigner une périodisation précise).
On pourrait, de ce point de vue, distinguer les "temps modernes",
qui caractériseraient la période s'étendant du XVe
siècle au XVIIIe siècle, et la modernité désignerait
les XIXe et XXe siècles.
Arbitraire et contestable à bien des égards, le concept
a pourtant été élucidé par certains sociologues
contemporains (notamment Alain Touraine dans Critique de la modernité,
1992) et l'on s'accorde sur le fait que la modernité commence au
XVIe siècle en Europe avec le protestantisme, l'avènement
des sciences expérimentales, et les grandes découvertes
et qu'elle culmine au siècle des Lumières. Rationalisme,
positivisme et optimisme (entendu comme foi dans le progrès) en
sont, sur le plan philosophique, l'expression la plus significative. Bien
entendu, l'ancrage de la modernité en Europe ne signifie pas qu'elle
concerne ce seul continent.
Les caractéristiques de la modernité
En tant que phénomène de civilisation, la modernité
engage quatre grandes transformations, théoriques et pratiques.
Il s'agit, en premier lieu, de la conquête par l'homme "moderne"
de son autonomie, et de la volonté de maîtrise technique
du monde.
En deuxième lieu, l'homme moderne vide le monde de son mystère,
il le "désenchante" et s'efforce de s'approprier les
qualités des dieux du passé, à savoir l'omniscience
et la puissance.
Le troisième trait caractéristique de la modernité
est la différenciation des institutions ainsi que la dissociation
des différentes formes et dimensions de l'existence individuelle
et collective: c'est ce qu'on appelle la "sécularisation"
ou la "laïcisation" de la société (par opposition
à l'imbrication de ces différentes formes et dimensions
dans les communautés traditionnelles).
Enfin, la modernité culmine dans les idéaux de l'humanisme
occidental développés par les Lumières.
La post-modernité
La modernité est aujourd'hui l'objet d'enjeux et d'interrogations
considérables, au point que certains en affirment la clôture.
Des sociologues comme Antony Giddens et Jean-François Lyotard affirment
que l'humanité serait sortie d'un univers régi par les grands
discours rationalistes et universalistes qui avaient été
instaurés durant le siècle des Lumières. En fait,
et il est question ici de "post-modernité", il s'agit
plus d'un état d'esprit que d'un fait de civilisation. Le trait
central en est sans doute le constat d'une crise de sens procédant
d'une désillusion généralisée à l'égard
des idéaux humanistes de la modernité.
modernité (philosophie) n. f. Notion qui s'emploie classiquement
pour désigner l'esprit nouveau qui souffle en Europe à partir
de la Renaissance, de Descartes puis du siècle des Lumières.
La modernité est étroitement associée à l'émergence
de la notion de sujet, à l'idée de progrès, d'émancipation
par la raison et de développement de la science et des techniques.
On a pu dire ainsi que l'idée de modernité remplace, au
centre de la société, Dieu par la science. À propos
des conséquences que va entraîner cette substitution, Max
Weber parlera de " désenchantement du monde ". Dans le
champ politique, la notion renvoie à une certaine conception de
la rationalité et de l'égalité démocratiques,
fondées sur l'État de droit. Plus en amont, on a parfois
coutume de faire remonter les débuts de la modernité politique
àMachiavel, lorsque le politique cesse peu à peu d'être
compris comme l'art d'imiter l'ordre naturel du monde. Au-delà
du politique, l'autonomisation des différents domaines du savoir
reste constitutif de la modernité.
Pour Martin Heidegger, grand adversaire de la modernité, celle-ci
apparaît comme telle à partir du moment où "
l'homme est devenu sujet et le monde image conçue ". D'une
manière générale, on tend à la faire advenir
dès lors qu'il y a séparation de l'homme intérieur
(concept introduit par saint Augustin, repris par Descartes) et du monde
extérieur. Le divorce de l'homme et du monde apparaît comme
caractéristique de la modernité.
La modernité se définit comme un progrès décisif
de la conscience de soi.
Philosophe français [ Etienne Borne ]
L'homme moderne est l'esclave de la modernité : il n'est point
de progrès qui ne tourne pas à sa plus complète servitude.
Ecrivain et poète français [ Paul Valéry
La modernité, c'est le transitoire, le fugitif, le contingent,
la moitié de l'art, dont l'autre moitié est l'éternel
et l'immuable. Il y a eu une modernité pour chaque peintre ancien.
Poète français [ Charles Baudelaire ]
La modernité est sans doute le mot le plus creux de la langue
française.
Publicitaire français [ Serge Uzzan ]
Contrairement à ce que l'on imagine, l'idée de la modernité
n'est pas liée au tricotage de la prose. Fond et forme sont inséparables,
écrire plat, c'est écrire faux.
Ecrivain français d'origine espagnole [ Michel del Castillo ]
Extrait d'un Entretien avec Marianne Payot - Octobre 1995
Penser et agir par nous-mêmes et pour nous-mêmes, en Nègres...,
accéder à la modernité sans piétiner notre
authenticité.
Homme d'Etat et écrivain sénégalais [ Léopold
Sédar Senghor ]
L'idéologie de la modernité c'est l'affirmation que le
progrès est la marche vers l'abondance, la liberté et le
bonheur, et que ces trois objectifs sont fortement liés les uns
aux autres , avec comme complément à ce triomphalisme, l'idée
que la modernité remplace au centre de la société,
Dieu par la science , laissant au mieux les croyances religieuses à
l'intérieur de la vie privée.
Alain Touraine (sociologue)
Voix off
Votre repas du soir ma chérie, tient dans une simple barquette
en alu. Même pas besoin de dégeler : passez 2 minutes au
micro-ondes et servez chaud. Rajoutez un peu de crème fraîche
en spray. Pour accompagner, songez à un verre de bon lait écrèmé
UHT dans son tetra-pak coloré ou alors à un simple coca-light
en canette jetable. Pour le dessert enfin, laissez votre délicieux
glaçon aux arômes synthétiques mijoter encore un peu
dans le congélo. Et zou, il y a Star Academy à la télé.
Mais ce nouveau monde - que je n'aime pas beaucoup - est pour moi un
détournement négatif d'un mouvement riche et prometteur
qui avait commencé au début du siècle. Je ne suis
pas partisan de l'ancien monde au sens où le romantisme et la culture
classique ne m'intéressent pas vraiment. C'est la modernité
qui m'intéresse dans l'aspect vital, imaginatif, qu'elle pouvait
avoir dans la première moitié du siècle avec Apollinaire,
Gombrowicz, Proust, Céline ou encore le cinéma de Méliès
à Fellini, Picasso, Léger, Picabia J'ai l'impression
qu'il y a dans la deuxième moitié du siècle une espèce
de récupération de la pensée moderne par le marché,
le pouvoir politique et intellectuel. Ils ont transformé cette
effervescence en un dogme qui a remplacé la prolifération
inventive par l'exploitation industrielle et la surproduction. On est
passé de la modernité ludique à la modernité
formaliste et ennuyeuse. Il y avait - il y a toujours - quelque chose
de fascinant dans le nouveau monde. Je suis pour la liberté de
l'esprit, des moeurs, pour l'exploration dans le domaine de l'art. Ce
sont, d'une certaine façon, les valeurs du nouveau monde mais elles
ont été détournées
laïcité
n. f. Principe affirmant la neutralité de l'État en matière
religieuse et la séparation entre la société civile
et la société ecclésiastique.
Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, l'idée même
de laïcité est presque impensable : le pouvoir politique,
qui est supposé émaner de Dieu, ne peut se passer de l'appui
du clergé, même si à partir du XVIe siècle,
les rois de France cherchent à développer l'autonomie du
pouvoir temporel. Les philosophes du XVIIIe siècle, en remettant
en question les fondements de la société au nom de l'esprit
critique, contribuent à ébranler les liens qui unissent
la religion, l'État et la société.
Au XIXe siècle, l'héritage de la Révolution française
conduit à l'affirmation d'une société laïque
dans laquelle la religion devient une affaire purement privée,
disjointe de l'autorité politique. Le courant anticlérical,
porté par les idées rationalistes et positivistes de la
seconde moitié du XIXe siècle, conduit même à
une pratique militante de la laïcité, dont la France constitue
le meilleur exemple. Cette pratique s'illustre tout particulièrement
dans l'institution de l'école laïque, par laquelle les fondateurs
de la IIIe République, en particulier Jules Ferry, entendent affranchir
le système d'éducation de la tutelle du clergé. Après
la lutte acharnée que le gouvernement d'Émile Combes livre
aux congrégations religieuses, le combat en faveur de la laïcité
aboutit en 1905 à la loi de séparation des Églises
et de l'État. Au lendemain de ce triomphe, l'apaisement du conflit
place la France dans la situation de la plupart des grands pays de démocratie
libérale. La pratique de la laïcité s'accorde aux principes
fondamentaux du droit : égalité des cultes, liberté
religieuse et séparation complète des domaines spirituel
et temporel, ce qui implique la non-confessionnalité de l'État
et son incompétence dans le domaine religieux. Si elle a cessé
d'être un enjeu aussi crucial qu'au siècle dernier, la laïcité
continue toutefois de susciter des polémiques, notamment dans le
domaine scolaire. L'immigration de populations de culture non européenne
(musulmane notamment) souvent très attachées à leur
culture religieuse d'origine pose ainsi une question délicate :
comment concilier la citoyenneté avec la fidélitéà
des coutumes ou à des croyances ? Si les démocraties garantissent
l'exercice de tout culte dans la sphère privée, elles observent
toutefois des attitudes différentes, suivant leur histoire et leur
conception de la citoyenneté, devant l'ostentation d'insignes religieux
dans les espaces publics ou le prosélytisme de certains groupes
extrémistes.
Les Jeux Olympiques sont-ils une foire internationale ou bien le vecteur
des valeurs de l'humanité ? Un débat provoquerait l'affrontement
de deux tribus aussi persuadées l'une que l'autre de détenir
la vérité.
L'une décrit un sport marchand, le profit, un paradigme du corps
mécanisé et dopé, la bête humaine, la primauté
du spectacle, la nécessité absolue de résultats quantifiés,
les rivalités exacerbées, un matérialisme déshumanisant,
l'homme dompté.
L'autre voit une activité éducative, utile à la
santé, l'esthétique du mouvement, la grâce du geste,
la quête de soi, la paix entre les peuples, le nec plus ultra de
l'hominisation.
Chaque camp construit son histoire et son actualité du mouvement
olympique, chaque choix repose sur une philosophie. Mais, l'olympisme
n'est-il pas lui-même une philosophie en action, une philosophie
de l'action, le reflet d'une pensée en mouvement ?
Quels en sont les évènements significatifs et que peut-on
en conclure ? Ceux-ci expriment-ils une idée générale
ou bien ne sont-ils qu'effets des remous de la société ?
Une approche selon plusieurs points de vue, plusieurs entrées,
autorise la construction de clés qui donnent accès aux véritables
enjeux des Jeux.
La duplicité, l'ambivalence et la polysémie ne sont pas
absentes de nos conclusions qui cristallisent surtout l'extrême
complexité de ce qui est devenu un véritable phénomène
de civilisation.
1) L'olympisme est une religion
" La première caractéristique essentielle de l'olympisme
? c'est d'être une religion. " rappelle Pierre de Coubertin
aux " Assises philosophiques de l'olympisme moderne " de Berlin
en 1935.
Dès les premiers Jeux modernes de 1896 à Athènes,
la cérémonie d'ouverture comporta un service religieux.
Ensuite, le Te Deum fut chanté dans les cathédrales de Londres,
Anvers, Paris et sur le stade de Stockholm.
Le baron Pierre de Coubertin, père de " l'olympisme rénové
", entend restaurer un sentiment religieux à la geste sportive
ainsi qu'à la jeunesse. Comprenons qu'il ne fait pas le choix d'une
Église mais qu'il considère l'olympisme lui-même comme
une religion.
Cependant, l'homme et l'organisation naissante qui agissent avec et dans
leur époque, recherchent le soutien de l'ensemble des piliers institutionnels.
La cérémonie religieuse protocolaire s'explique comme élément
d'expression d'une des lignes de force avec lesquelles Coubertin composa
pour concrétiser son projet.
De plus, soulignons qu'au stade initial, l'olympisme moderne ne signifie
que bien peu, voire suscite de vives critiques, dans l'opinion publique
et dans une grande partie des classes dirigeantes qui voient dans le sport
un élément de désordre et d'anarchie.
Le rénovateur ne peut semer le germe religieux qu'en s'appuyant
sur les Églises et les religions d'État. Cette première
approche laisse entrevoir un des traits caractéristiques de sa
personnalité et de sa démarche : clarté des principes
et savoir-faire diplomatique.
Ajoutons que la devise " Citius, altius, fortius " est attribuée
au père dominicain Didon et que la formule triviale " l'essentiel
est de participer " est de l'évêque anglican Talbot
qui déclara en 1928 : " L'important dans ces olympiades, c'est
moins de gagner que d'y prendre part. "
2) La montée du mouvement laïque
Dans toutes les démocraties, elle se matérialise par la
création de l'école publique, les lois de séparation
de l'Église et de l'État (1905 en France), les lois sur
la liberté d'association, la liberté de la presse.
La société se transforme profondément et entre résolument
dans la modernité. Les Jeux de 1928 à Amsterdam, sans cérémonie
religieuse, marquent le passage du mouvement sportif vers une autonomie
et une maturité accrues. Il est désormais capable de produire
sa propre symbolique : la flamme remplace le rituel religieux.
Ces éléments d'analyse doivent être complétés
par le fait que le succès grandissant des J.O amène des
pays, des États, des Nations de cultures très diverses à
se rencontrer. Une approche strictement judéo-chrétienne
de l'Olympisme devient donc caduque et contraire à ses propres
intérêts : Pierre de Coubertin a toujours voulu rapprocher
les peuples par le sport.
3) Les rassemblements de masse
Aujourd'hui, le sport en général, l'olympisme en particulier,
sont les seules institutions capables de rassembler régulièrement
des foules immenses selon des calendriers itératifs qui constituent
autant de points de repères forts dans le temps et dans l'espace.
Chacun des spectateurs, des téléspectateurs, a conscience
de participer à un évènement humain exceptionnel.
Une culture du sport devient pour un moment une culture de l'humanité.
Quel phénomène peut actuellement prétendre faire
surgir un tel sentiment d'appartenance à l'espèce humaine
?
Le sport est à coup sûr le nouvel " opium du peuple
", la nouvelle religion laïque. Les déclarations de Jean-Paul
II, en novembre 2000, sur un stade de football, rappelant et appelant
la pureté sportive, nous renseignent sur la portée universelle
de cette pratique? 72 ans après le sermon de monseigneur Talbot.
Pour en savoir plus, consultez, du même auteur, l'article "
Olympisme, économie et spectacle ".
En transition vers Pie IX, il y a lieu de citer Grégoire XVI (1831-1846)
qui voulait à tout prix préserver ses prérogatives
dans un monde évoluant rapidement vers les libertés, voire
le socialisme. Il publia dès 1832 l'encyclique Mirari vos où
il condamnait ainsi la liberté de conscience ( doctrine absurde,
trompeuse et, pour mieux dire, folie ), la liberté de pensée
et de parole ( erreur pernicieuse qui mène les États
à la ruine ) et la liberté de la presse ( concept
dommageable, qu'on ne peut assez exécrer ).
À l'intérieur de ses États pontificaux, qu'il défendait
bec et ongles, la répression était à l'image de cette
mentalité. Elle ne faisait, d'ailleurs, que suivre le chemin tracé
par Léon XII (1823-1829) puisque la police de ce dernier, dirigée
par le Cardinal Rivaro, pourchassait les nationalistes et les décapitait
sur ce qui devint la Piazza del Popolo.
Pie IX et l'infaillibilité pontificale
Le 16 juin 1846, le comte-Cardinal Giovanni Maria Mastai-Ferretti était
élu pape sous le nom de Pie IX. Outre la nomination au secrétariat
d'État du Cardinal Antonelli dont les murs et la simonie
discréditèrent le pape qui, pourtant, ne s'en sépara
point, outre le sort réservéà l'opposition libérale
dont certains membres furent condamnés à mort et d'autres
aux galères, outre la promulgation en 1854 du dogme de l'Immaculée
Conception, Pie IX se distingua surtout par un événement
unique non seulement dans l'histoire de la papauté, mais aussi
dans celle des hommes : la proclamation de l'infaillibilité d'un
être humain.
Le Concile de Vatican I, ouvert le 8 décembre 1869, avait comme
but déclaré cette proclamation, et Pie IX ne s'en cachait
pas. Un grand nombre de prélats était opposéà
cette étape de l'évolution de l'Église qui, une fois
franchie, serait irréversible. Mais Pie IX s'obstinait. Ni les
interventions de personnalités comme l'éminent évêque
de Mayence, ni celles d'historiens qui lui rappelèrent les erreurs
doctrinales de ses précurseurs (Honorius I, par exemple, condamné
par le sixième concile cuménique de 680), ne purent
venir à bout de sa détermination farouche. Le conflit entre
la Prusse et la France vint à point nommé pour le conforter
dans son projet : des évêques allemands et français
durent repartir vers leurs diocèses, privant l'opposition de leurs
voix. Cinquante-trois autres quittèrent Rome plutôt que de
ratifier le dogme de l'infaillibilité. La plupart des évêques
restants étaient italiens et beaucoup dépendaient matériellement
du pape. Finalement, il n'y eut plus qu'un quart des pères conciliaires
pour se dresser contre la volonté du pape, et le dogme fut voté
sans problème le 18 juillet 1870. Il stipulait que le pape, désormais
seul, sans être obligé de convoquer un concile, était
infaillible quand il s'exprimait ex-cathedra sur un sujet touchant la
foi ou les murs ( Les définitions du pontife romain
sont irréformables par elles-mêmes et non en vertu du consentement
de l'Église. Que si quelqu'un, ce qu'à Dieu ne plaise, avait
la témérité de contredire notre définition,
qu'il soit anathème. )
Pour l'anecdote, le patriarche melkite Grégoire II (Gharighorios
al-Thani Youssef Seyyour), participant lui aussi à Vatican I, avait
osé, avec les évêques contestataires, émettre
des réserves sur l'infaillibilité pontificale. Restéà
Rome après leur départ, il vint à la fin du concile
prendre congé du pape en baisant, selon le rituel en vigueur, la
mule dont le souverain pontife était chaussé. Pie IX le
repoussa en appuyant sa mule sur son crâne et en déclarant
devant tout le monde : Testa dura .
Son règne, le plus long de l'histoire de la papauté, dura
32 ans.
Pour en savoir plus, consultez, du même auteur, les articles sur
l'évolution des prérogatives de la papauté aux différentes
périodes de l'histoire
postmodernisme
n. m. Tendance esthétique et culturelle propre aux dernières
décennies du XXe siècle, et remettant en question les conceptions
de la modernité.
Le terme est apparu aux États-Unis à la fin des années
1970, sous la plume de sociologues et de critiques. Il désigne
l'état actuel de la culture et de la société tel
qu'il est perçu par ceux qui estiment que se manifeste une incrédulité
croissante et bénéfique à l'égard des "
grands Récits " fondateurs, selon l'expression du sociologue
français Jean-François Lyotard, qui ont dominé l'âge
moderne. Sont aussi concernés l'émancipation du citoyen,
la lutte des classes, ou encore les progrès de l'esprit...
Le postmodernisme succéderait ainsi à la modernité
au sens où il ouvrirait une ère marquée par la quête
baroque de nouvelles sources de légitimité. Certains tendent
à définir le postmodernisme comme renvoyant à une
certaine désinvolture, au déploiement d'un instinct ludique
qui jouerait dans les traditions tout en se jouant de la tradition. Et
ce, dans le domaine de l'art, en particulier en architecture, mais aussi
en philosophie ou en littérature. Globalement, on peut avancer
que la démarche se revendiquant du postmodernisme reste caractérisée
par une intelligence inventive, plastique et mobile. Elle entend prendre
acte de la fin des idéologies, d'un morcellement généralisé
du corps social et des normes qui en assurent la cohésion, pour
se formuler comme une recherche soucieuse d'explorer toutes les voies
du savoir et de l'imaginaire. Le terme reste cependant flou, et ses usages,
flottants. En Allemagne par exemple, le postmodernisme a fait l'objet
de vives critiques, et il y est considéré tantôt comme
une variante du néoconservantisme, tantôt comme une forme
de postlibéralisme anarchisant.
Architecture
Le postmodernisme architectural voit le jour bien avant que l'ouvrage
du critique Charles Jencks, intituléThe Langage of Post-Modern
Architecture (1977), ne lui donne son nom. Le seul dénominateur
commun de ce mouvement qui n'a pas d'unité réelle semble
être le rejet de la rigueur qui caractérise le style international
et l'attrait d'un nouveau langage faisant place à la fantaisie,
à la décoration, aux citations architecturales du passé
(frontons, colonnes,néoclassicisme), voire à l'éclectisme
débridé et à un regain d'intérêt pour
la couleur.
C'est ainsi que, puisant dans le patrimoine culturel italien, Aldo Rossi
redonne vie aux portiques, que Ricardo Bofil se fait l'apôtre du
néoclassicisme préfabriqué et industrialisé
(quartier Antigone à Montpellier), que la décoration s'empare
de l'espace urbain avec la Piazza d'Italia de Charles Moore à La
Nouvelle-Orléans (1978). Le goût des fausses ruines ludiques
et savamment construites voit le jour au Show Room du Shopping Center
de Houston (Texas), édifié par Site Projects Inc. (1975).
Arata Isozaki (né en 1931) se fait baroque, proche à la
fois de Borromini et du visionnaire Ledoux, dans le centre civique de
Tsukuba au Japon (1982). Michael Graves (né en 1934), qui manie
avec aisance l'univers féerique de Walt Disney, sait amonceler
tout un langage décoratif dans la construction du Public Service
Building de Portland dans l'Oregon (1980-1982). Bien avant l'austère
usine Braun construite à Melsungen (Allemagne), en 1992, James
Stirling a occupé le devant de la scène internationale avec
l'extension de la Staats-Galerie de Stuttgart (1977-1983) collage architectural
mouvementé où les couleurs (rose, vert, bleu) guident le
visiteur.
Le déconstructivisme est lui aussi à l'uvre dans
les années 1980-1990 avec la démarche qui se veut provocante
de Coop Himmelblau au pavillon Est du musée de Groningue (Pays-Bas,
1994). Frank O. G ehry peut être assimiléà cette mouvance
dans certaines de ses constructions, comme l'American Center à
Paris, dans le secteur de Bercy (1993). Si l'éclectisme, la virtuosité,
voire l'utopie sont caractéristiques de certains aspects du postmodernisme,
de nombreux architectes poursuivent leurs travaux selon leur génie
propre et leur vision personnelle du monde, tels Richard Meier, Tadao
Ando ouJean Nouvel, par exemple.